2002/MAMERE_à propos du Front national

 « Ceux qui vous soutiennent préfèreront toujours l’original à la copie. »


premier débat sur la sécurité (16 juillet 2002)
http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2001-2002-extra/20021006.asp#PG2
[N.Mamère défend une motion de procédure appelée – à l’époque – « exception d’irrecevabilité]

 M. Noël Mamère. J’ai l’honneur de défendre devant vous aujourd’hui une exception d’irrecevabilité qui tentera de démontrer que ce texte est tout à la fois contraire à la lettre et à l’esprit de la Constitution, et inscrit dans la continuité d’une campagne électorale qui a fait d’un problème réel – le développement de la petite délinquance dans certains quartiers – l’unique objet du débat politique récent.
Cette stratégie délibérée, nous le savons et nous l’avons vu, a d’abord profité au Front national (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.) et a permis d’occulter les vraies questions. Oubliés la crise de l’alimentation, la précarité, les licenciements collectifs, l’Europe, les catastrophes écologiques, la politique de santé publique, les retraites, la ville, les transports, la lutte contre la pauvreté !
    M. Jean Marsaudon. Oublié, l’échec de la gauche !
    M. Jacques Myard. Oublié votre bilan, votre beau bilan !
    M. Noël Mamère. Les médias, Jean-Pierre Chevènement, Jean-Marie Le Pen, Jacques Chirac, comme vous-même, monsieur le ministre, l’avaient décidé : la France a peur, l’ennemi public numéro un, c’est le sauvageon, et la solution de tous nos maux réside dans l’enfermement des enfants de dix à treize ans. (Protestations sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Mes chers collègues, allons !
    M. Noël Mamère. Ne vous transformez donc pas en ces sauvageons que vous avez dénoncés avec tant de pugnacité sur le terrain
    M. Bernard Schreiner.Simpliste !
    M. Jacques Myard. Reprenez votre copie !
    M. le président. Monsieur Myard, je vous en prie !
[…]
Votre texte, monsieur le ministre, porte atteinte aux libertés individuelles (« Mais non ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle), car il présente certaines libertés individuelles et collectives garanties par la Constitution comme une entrave à l’efficacité policière.
Par exemple, il prétend généraliser la vidéosurveillance, en l’implantant notamment dans les cités sensibles.
    M. Pierre Lellouche. Il a raison !
    M. Noël Mamère. M. Balkany, un autre de nos collègues, dont l’honnêteté, la probité, la bonne foi ne peuvent être évidemment mises en doute (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle)
    M. Jean Marsaudon. Il va bientôt nous parler de Mitterrand !
    M. Noël Mamère. … a créé depuis longtemps dans sa ville un système de ce type.
Je le dis sans ambages, monsieur le ministre, chers collègues, je ne crois pas que le développement généralisé de la vidéosurveillancetel que vous le proposez garantira les libertés…
    M. Dominique Dord. Tout va bien ! Il n’y a rien à faire !
    M. Noël Mamère. … pas plus qu’il ne permettra de combattre l’insécurité.
En réalité, la population française et celle des banlieues seront soumises à une surveillance continue dont l’exécutif, les préfets et vous, monsieur le ministre, serez les seuls responsables.
[…]
    M. Noël Mamère. Monsieur le ministre, vous continuez de vouloir connecter à l’infini les fichiers – ils portaient les noms de STIC, de JUDEX, de STUP – sans le contrôle de la CNIL.
Un jeune consommateur de cannabis – et nous savons qu’il y en a des milliers (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle) -,…
    M. Pierre Lellouche. Grâce à vous !
    M. Noël Mamère. … pourra ainsi être fiché jusqu’à la fin de sa vie et subira dans sa vie professionnelle les conséquences d’un acte qui devrait être dépénalisé depuis longtemps. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jacques Myard. N’importe quoi !
    M. Dominique Dord. Vous, vous êtes encore là !
    M. Noël Mamère. Continuez à pratiquer la politique de l’autruche et vous verrez les problèmes que vous rencontrerez !
    M. Jacques Myard. C’est une autocritique ? […]
    M. Noël Mamère. En 1979, d’ailleurs, l’un de vos prédécesseurs, célèbre, Alain Peyrefitte, avait fait voter une loi liberticide que l’on appelait la loi « sécurité et liberté. »
    M. Jacques Myard. Et les lettres de cachet ?
    M. Noël Mamère. Eh bien, à l’aune de votre texte, Alain Peyrefitte apparaîtrait aujourd’hui comme un dangereux trotskiste, car c’est lui qui avait fait fermer les maisons de correction que vous voulez maintenant rouvrir.
Avec vous, soutenu activement par votre nouvelle majorité (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle), les libertés font « pschitt ! » si je puis dire, pour employer une onomatopée célèbre, parce que votre philosophie, c’est de réprimer les comportements déviants.
Les regroupements dans les parties communes des immeubles sont ainsi jugés comme affectant la vie quotidienne de nos concitoyens.
    Plusieurs députés du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle. C’est vrai !
    M. Noël Mamère. Vous auriez pu au moins préciser que de tels regroupements doivent avoir une nature hostile pour être sanctionnés.
Avec votre projet, le simple fait de se regrouper est donc puni. Ainsi, Edith Piaf, qui chantait dans les cours de nos immeubles, serait tombée sous le coup de vos pandores. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.) Vous n’aimez pas Edith Piaf, peut-être, vous n’aimez pas la chanson populaire ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Monsieur Dord, monsieur Lazaro, ne vous énervez pas !
    M. Noël Mamère. Vous n’aimez pas le peuple, et vous n’aimez pas les chansons populaires ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean Marsaudon. Le peuple n’aime pas Mamère !
$    M. Noël Mamère. Vous préférez une société verrouillée, fichée, surveillée, cadenassée, où l’on envoie les enfants de dix ans dans des maisons de correction ! Vous préférez la violence à la prévention, la répression à la médiation !
    M. Jean-Michel Fourgous. Est-ce encore crédible, tout cela ?
    M. Dominique Dord. Cela fait vingt ans que l’on entend ça !
    M. Noël Mamère. Parmi les comportements délictueux, vous citez aussi le simple refus d’obtempérer. Diable ! Toute manifestation ne satisfaisant pas un représentant de l’ordre pourra donc désormais être réprimée au nom de ce refus.
    M. Dominique Dord. Ouvrez les yeux sur la réalité !
    M. Pierre Lellouche. Vous vous sentez visé, monsieur Mamère ?
    M. Noël Mamère. Vous êtes allé loin dans la démagogie sécuritaire et la mise en cause des libertés…
    M. Robert Lamy. Vous êtes allé loin dans le laxisme !
[…]
   M. Noël Mamère. Votre texte est contraire à la Constitution car il stigmatise de manière collective certaines catégories de la population : les jeunes ( « Non ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle), les immigrés, les gens du voyage, les sans-logis, en les désignant du doigt comme responsables en tant que tels du climat d’insécurité que pourtant vous-même et des médias complaisants ont contribué à créer dans le pays ces derniers mois. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Yves Nicolin. Ce serait bien la première fois qu’il y aurait des médias complaisants à notre égard !
    M. Noël Mamère. La réalité, c’est que nous sommes en train de transformer des populations en danger en de véritables classes dangereuses.
    M. Pierre Lellouche. C’est de la démagogie, monsieur Mamère.
    M. Noël Mamère. Ce phénomène d’ailleurs n’est pas nouveau. A la fin du xixe siècle, on faisait déjà cela avec les Italiens, les Polonais, les Belges, désignés comme des Apaches coupables de tous les larcins et de toutes les fraudes. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Eric Raoult. C’est indigne !
    M. Noël Mamère. En ce début de millénaire, la lepénisation des esprits a permis à l’insécurité d’occuper tout l’espace politique des campagnes présidentielle et législative.
    M. Yves Nicolin. Baratin.
    M. Jean-Michel Fourgous. A quoi servez-vous ?
    M. Noël Mamère. Vous passez maintenant aux travaux pratiques.
    M. Dominique Dord. Alors que fait-on ? Rien ? Comme d’habitude !
    M. Noël Mamère. Je vais vous expliquer comment on fait. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Dominique Dord. Enfin !
    M. le président. Ne les provoquez pas !
    M. Noël Mamère. Je ne vous ai pas attendu pour savoir comment on fait dans ma commune, où je suis maire depuis treize ans,…
    M. Dominique Dord. Et vous êtes député depuis cinq ans !
    M. Noël Mamère. … une commune qui n’est pas à feu et à sang, une commune qui n’agit pas simplement sur la réparation, mais sur la répartition, la prévention et la médiation, cher ami. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Michel Fourgous. Et l’incitation à la drogue !
    M. Noël Mamère. A quoi incitez-vous en menant une politique répressive ?
    M. Dominique Dord. Que faites-vous depuis cinq ans ?
    M. Noël Mamère. A mettre les banlieues à feu et à sang ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Dominique Dord. C’est nous qui les avons créées il y a deux mois ?
.[…]
     M. Noël Mamère.Oui, en ce début de millénaire, la lepénisation des esprits a donc permis à l’insécurité dont vous avez fait votre cheval de bataille d’occuper tout l’espace politique des élections présidentielle et législatives…
    M. Pierre Lellouche. Vous les avez perdues !
    M. Noël Mamère. … et maintenant les heures de notre hémicycle.
Vous passez aux travaux pratiques, monsieur le ministre.
    M. Pierre Lellouche. Ecoutez ce que disent les Français !
    M. Noël Mamère. Méfiez-vous car ceux qui vous soutiennent, et vous le savez, préféreront toujours l’original à la copie
    M. Guy Drut. On a déjà entendu ça !
    M. Noël Mamère. Vous n’en ferez jamais assez parce que vous ne traitez pas les causes de ces problèmes, vous vous contentez des symptômes. Les effets perdureront.
    M. Yves Nicolin. Qu’avez-vous fait ?
    M. Noël Mamère. Les violences urbaines continueront, amplifiées par votre politique sociale. Vous l’avez d’ailleurs déjà commencée en voulant supprimer les emplois-jeunes et en refusant d’augmenter le SMIC.
    M. Dominique Dord. Nous voulons créer de vrais emplois-jeunes.
    M. Noël Mamère. Votre présentation catastrophique de la réalité (Rires sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle) s’aggrave encore avec vos amalgames entre la délinquance des jeunes et ce que vous appelez la mendicité agressive, les regroupements dans les parties communes des immeubles et l’envahissement des propriétés privées par des gens du voyage.
    
M. Gérard Hamel.Ça existe !
    M. Noël Mamère. Cette politique annonce logiquement des mesures répressives à tous les échelons, et vous en dressez la liste.

D’abord les prostituées étrangères, qui, paraît-il, devront être éloignées systématiquement alors qu’il faudrait faire le contraire en leur donnant des papiers (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française), en les protégeant afin de les encourager à dénoncer les filières d’esclavage, en les protégeant. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Laissez M. Mamère s’exprimer.
    M. Noël Mamère. De toute façon, monsieur le président, étant à la tribune et n’ayant pas l’intention de la quitter, je vais continuer à m’exprimer.
    M. le président. Continuez.
    M. Noël Mamère. Merci.
Je disais donc que, plutôt que d’essayer de chasser les prostituées étrangères, il faudrait leur donner des papiers et les protéger afin de les encourager (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle) à dénoncer les filières d’esclavage moderne dont un rapport ici même a démontré l’existence et sur lesquelles il a mis l’accent l’année dernière.
    M. Jean-Michel Fourgous. On va les envoyer à Bègles !
    M. Noël Mamère. C’est ensuite les familles que vous voulez sanctionner pour cause d’absentéisme scolaire de leurs enfants. Cette mesure, combattue par toutes les associations de terrain qui, nous le savons, luttent pied à pied avec les difficultés que l’on sait contre l’échec scolaire, est particulièrement révélatrice du fond de votre politique.
Ce sont les sans-domicile-fixe que vous voulez désigner à la vindicte, dans le droit-fil des arrêtés antimendicité pris par certains de vos amis et contraires au nouveau code pénal.
Ce sont enfin les jeunes des cités, que vous désignez et stigmatisez à tout propos. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme Maryse Joissains-Masini. C’est faux !
    M. Jacques Myard. Mamère égale Victor Hugo !
    M. Noël Mamère. Ce type de représentation engendre aujourd’hui une politique systématique dont vous vous faites le héraut empressé.
    M. Jean-Michel Fourgous. Provocation !
    M. Noël Mamère. Cette politique, nous le savons, nous l’avons vu, a des effets dévastateurs sur le terrain.
Quand un jeune est tué par un policier, ce dernier est condamné à trois ans avec sursis alors que le procureur avait requis six ans fermes. Quand les jeunes sont arrêtés pour leur première faute, ils sont emprisonnés aussitôt (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.) Le signal est donc clair pour les forces de police : « Vous pouvez y aller, messieurs, réprimez, emprisonnez les jeunes, permettez les bavures, l’Etat vous protège ! ». (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Yves Nicolin. N’importe quoi !
    M. Jacques Myard. Démago !
    M. Noël Mamère. Votre texte, monsieur le ministre, est contraire à la Constitution car il définit des zones de non-droit et en laisse d’autres dans l’ombre.
Quand il parle des nouvelles formes de criminalité ou de l’éradication des bandes, votre texte, comme par hasard, ne les trouve que dans certaines cités populaires situées en banlieue. Vous déclinez ainsi une série des formes nouvelles de délinquance, mais vous en omettez d’autres que l’on trouve plutôt dans les VIIe, VIIIe, XVIe arrondissements de Paris,…
    Mme Maryse Joissains-Masini. Amalgame !
    M. Noël Mamère. … à Neuilly, à La Défense ou sur la Côte d’Azur plutôt qu’à Saint-Denis, Vaulx-en-Velin ou dans les quartiers Nord de Marseille, objets de votre sollicitude acharnée.
    M. Yves Nicolin. Baratin !
    M. Noël Mamère. Des zones de non-droit et de nouvelles formes de criminalité, j’en vois, moi, dans les entreprises où rien n’est fait contre les licenciements, le harcèlement moral, la souffrance au travail. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean Marsaudon. Mais qu’avez-vous fait pendant cinq ans !
    M. Noël Mamère. Des zones de non-droit, j’en vois, moi, dans les bureaux feutrés des conseils d’administration des grandes entreprises.
    M. Pierre Lellouche. Vous faites du Rosa Luxemburg !
    M. Noël Mamère. MM. Messier, Jaffré et quelques autres ne sont pas des « sauvageons ». Eux ne vont pas écoper d’une peine de prison pour quelques incivilités. Ils vont vivre grassement de leurs stock-options. Ils ne rendront pas de compte pour les milliers de salariés qu’ils ont précarisés, pour les centaines de milliers d’actionnaires qu’ils ont spoliés, pour les milliers de morts dont Elf et Total sont responsables au Congo-Brazzaville ou en Birmanie, pour les côtes de Bretagne ou pour les habitants de Toulouse et de sa région.
Les prostituées étrangères, les gens du voyage, les jeunes consommateurs de cannabis sont devenus vos cibles privilégiées monsieur le ministre. Ils pourront, eux, passer en comparution immédiate.
    M. Pierre Lellouche. Il faudrait créer un musée pour vous, monsieur Mamère !
    M. Noël Mamère. Mais le Président de la République, lui, ne sera jamais déféré devant une cour (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle), même en simple qualité de témoin.
    M. Dominique Dord. Vous avez mis longtemps pour y arriver !
    M. Noël Mamère. Pourtant, au vu des affaires en cours d’instruction, et si l’on s’en tient à l’esprit et à la lettre de votre texte, de 1977 à 2001, la mairie de Paris a bel et bien été « une zone de non-droit livrée à la loi d’une bande »…
    Plusieurs députés du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle. C’est scandaleux !
    M. Noël Mamère. … qui a détourné des sommes valant bien celles qui sont en question dans votre texte.
Va-t-on poursuivre l’éradication de cette zone de non-droit caractérisée ou, au contraire, amnistier au creux de l’été, à la va-vite, par un amendement imaginé pour les quelques dizaines de mis en examen de cette assemblée et pour celui, tout puissant, qui règne sur cette cour des miracles portant le nom d’UMP ? (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean Marsaudon. Scandaleux ! Arrêtez-le, monsieur le président !
    M. le président. Mes chers collègues, il ne sert à rien de crier.
    M. Noël Mamère. Drapez-vous dans votre vertu outragée, nous verrons dans quelques semaines si votre unité est aussi solide que vous le prétendez.
    M. Thierry Lazaro. Parlez-nous de la vôtre !

    M. Noël Mamère. Votre texte, monsieur le ministre, ne garantit pas le même droit à la tranquillité publique pour tous les citoyens. Selon que vous serez puissant ou misérable, vous n’aurez pas les mêmes conditions de sécurité. Selon que vous serez puissant ou misérable, vous échapperez à la sanction ou vous la subirez sans la possiblité de vous défendre.

[…]

    M. Noël Mamère. … vous n’avez pas osé aller jusqu’au bout.
Vous aimez bien flatter la police dans le sens du poil mais, lorsqu’il s’agit de garantir sa fonction et sa pérennité, vous êtes beaucoup moins généreux. En effet, pour les fonctionnaires de police, le compte n’y est pas. Rien n’est dit sur la revalorisation de leur grille indiciaire et sur la réforme de leur plan de carrière. Rien n’est dit sur le sort des 14 500 adjoints de sécurité et sur la pérennisation de leurs emplois.
    M. Robert Lamy. Qu’avez-vous fait pendant cinq ans ? Vous ne pouviez pas y penser ?
    M. Noël Mamère. Nous avons tous des adjoints de sécurité dans nos communes dont nous savons qu’ils ne sont pas formés. Tant qu’on ne mettra pas les moyens nécessaires pour les former, ils ne pourront pas remplir décemment et correctement leurs fonctions de police de proximité.
    M. Dominique Dord. Qu’a fait le précédent gouvernement ?
    M. Noël Mamère. Vous ne dites rien sur l’indemnité de logement ou de fidélisation, rien sur la formation initiale,…
    M. Jean-Michel Fourgous. Et vous, qu’avez-vous fait ?
    M. Noël Mamère. … rien sur les retraites et sur l’augmentation de l’ISPP, rien sur les obligations de service public que vous devriez imposer aux multiples sociétés qui se créent dans le secteur privé pour surveiller, pour garder et pour contrôler.
    M. Yves Nicolin. C’est un discours de syndicaliste !
    M. Dominique Dord. Heureusement, monsieur Mamère, que vous n’avez pas gouverné durant les cinq dernières années ! (Rires.)
    M. Robert Lamy. Qu’avez-vous fait depuis vingt ans, monsieur Mamère ?
    M. Noël Mamère. Les nouveautés que vous proposez, monsieur le ministre, sont plutôt inquiétantes car les flash balls pourront avoir un effet miroir : ces munitions étant en vente libre, elles pourront être utilisées dans les affrontements par toutes les parties en présence. Qui sera responsable des bavures…
    M. Gabriel Biancheri.C’est quoi, des bavures ?
    M. Noël Mamère. … qui ont déjà été constatées à maintes reprises, en Espagne par exemple, en Irlande du Nord et même en Palestine ?
    M. Yves Nicolin. Le contexte n’est pas le même !
    M. Noël Mamère. La création d’une réserve civile met en cause à terme le statut des fonctionnaires.

[…]

    M. Noël Mamère. L’engrenage dans lequel on fait entrer les policiers en leur demandant des interventions de plus en plus dures, et en les armant pour cela, accroîtra forcément l’hostilité générale de la jeunesse dans les quartiers pauvres, surtout autour du problème du contrôle au faciès, qui est une réalité. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.) Cet engrenage ruinera encore un peu plus l’idée de proximité. C’est d’ailleurs ce qui est en train de se passer en ce moment même à Dammarie-les-Lys, en Seine-et-Marne, …
    M. Jean-Claude Mignon. N’importe quoi ! cela suffit !
    M. Noël Mamère. … ville où une association de jeunes, qui s’appelle « Bouge qui Bouge », vient d’être expulsée de ses locaux et où les jeunes bénévoles de cette association sont traités comme de véritables terroristes de quartier, parce que celle-ci exige une action soutenue…
    M. Jean-Claude Mignon. Vous êtes mal placé pour parler de Dammarie-les-Lys ! Vous dites n’importe quoi !
    M. Georges Tron. Les propos de M. Mamère sont ridicules ! Et à Bègles, il se passe quoi ?
    M. Noël Mamère. Eh bien, venez à Bègles, monsieur Tron, et vous verrez qu’il ne s’y passe pas la même chose !
Je vous parle de Dammarie-les-Lys où se sont produits des faits réels qui ne peuvent pas être mis en cause.
    M. Richard Cazenave. Le maire de Dammarie-les-Lys, qui est là, est mieux placé que vous pour en parler !
    M. Noël Mamère. C’est bien la réalité des excès et des situations absolument absurdes que peut provoquer une politique répressive telle que vous la défendez depuis que le Président de la République est entré en campagne le 14 juillet 2001.
    M. Dominique Dord. Vous avez été battu, souvenez-vous-en !
    M. Noël Mamère. Parce qu’elle exige une action soutenue, la lutte contre la délinquance doit refuser les amalgames, le racisme anti-jeunes,…
    M. Georges Tron. Et le racisme anti-policiers !
    M. Noël Mamère. … la discrimination raciale, qui conduisent aux bavures. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.) Nous devons faire confiance à la jeunesse, et faire de l’éducation, de la formation et de la reconstruction de nos villes des priorités nationales.
    M. Georges Tron. C’est facile ! Qu’avez-vous fait pendant cinq ans ?
[ …]
    M. Noël Mamère. Oui, il y a dans ce pays des hommes et des femmes, des jeunes qui sont français à part entière, comme vous et moi, et qui sont considérés comme des étrangers et comme appartenant à des classes dangereuses !
    M. Dominique Dord. Qu’avez-vous fait pendant les quinze ans où vous avez été au pouvoir ?
    M. le président. Monsieur Dord !
    M. Noël Mamère. Vous ne faites que contribuer à renforcer cette idée dans l’esprit des plus faibles en exploitant leur peur et leur refus de l’autre. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Robert Lamy. C’est vous qui êtes un démagogue !

[…]

    M. Noël Mamère. A l’arrivée, on constate surtout qu’une vision policière s’empare peu à peu de tout l’appareil d’Etat, que la droite, que votre droite n’a aucune idée de ce qu’est véritablement la prévention (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle)
    M. Dominique Dord. Nous n’avons pas attendu après vous !
    M. Noël Mamère. … et qu’elle est dans l’incapacité d’imaginer des modes de régulation citoyens face aux désordres juvéniles, qui, dans leur très grande majorité, relèvent de la petite délinquance, des vols, du vandalisme et des bagarres. (« Laissons faire ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Robert Lamy. Quand on a échoué comme vous avez échoué, on fait preuve d’un peu de pudeur !
    M. Noël Mamère. Par-delà l’examen de cette loi virtuelle, je voudrais revenir sur le contexte dans lequel s’inscrit le problème de l’insécurité.
Les questions de sécurité des biens et des personnes ne sont pas des épiphénomènes que l’on peut régler par des solutions provisoires.
    M. Dominique Dord. La preuve, c’est que vous n’avez rien réglé !
    M. Gérard Hamel.En effet, en cinq ans, ils n’ont rien fait !
    M. Noël Mamère. De tels comportements découlent des conditions de vie, d’un contexte économique et social, d’un environnement urbain, autant d’éléments qui ne se modifieront pas du jour au lendemain.
Nous ne pouvons pas demander à la police de régler tous les dysfonctionnements et toutes les ruptures de notre société. En tant qu’élu local,…
    M. Hervé Novelli. Vous n’êtes pas le seul !
    M. Noël Mamère. … j’ai l’occasion de constater ce phénomène chaque jour.
    M. Maurice Leroy. Et le cumul ?
    M. Dominique Dord. M. Mamère est un cumulard !
    M. Noël Mamère. C’est sur cela que la loi d’orientation devrait se pencher.

Dans nos quartiers l’insécurité est d’abord sociale. Dans les quartiers en difficulté, le chômage des jeunes hommes est souvent plus proche de 50 % que de 10 %.
    M. Richard Cazenave. Bravo la gauche !
    M. Noël Mamère. La reprise de l’emploi profite moins aux quartiers de relégation, qui cumulent les handicaps face à l’embauche : mauvaise réputation,…
    Plusieurs députés du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle. Bravo la gauche !
    M. Noël Mamère. … discrimination raciale,…
    Plusieurs députés du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle. Bravo la gauche !
    M. Noël Mamère. … faiblesse des qualifications.
    Plusieurs députés du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle. Bravo la gauche !
    M. Noël Mamère. Le travail manuel est profondément dévalorisé.
    Plusieurs députés du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle. Bravo la gauche !
    M. Noël Mamère. Le chômage, la précarité, l’isolement des cités enclenchent un sentiment que j’appellerai d’assignation à résidence.
    Plusieurs députés du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle. Bravo la gauche !
    M. Robert Lamy. Tout cela, c’est le bilan de la gauche !
    M. Dominique Dord. Quel acte d’accusation !

   M. Noël Mamère. Ce cercle générateur de violence, il faut donc le casser.
On ne résoudra pas la question des incivilités et des violences par la mise en place d’une société policière. Il n’y a pas de solution miracle dans la lutte contre les violences.
On nous taxe d’angélisme …
    Plusieurs députés du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle. Oui, oui !
    M. Eric Raoult. De laxisme !
    M. Noël Mamère. … parce que nous expliquons que la lutte contre l’insécurité est complexe. (Mouvements divers sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.)
    Jusqu’à maintenant vous êtes d’accord !
    Plusieurs députés du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle. Non !
    M. Noël Mamère. Ce n’est pourtant pas ce qui apparaît dans le texte de votre ministre.
On nous taxe d’angélisme, parce que nous expliquons que la lutte contre l’insécurité ne se gagnera pas en un jour, par des coups de menton ou des formules creuses.
Oui, il existe des laxistes : les démagogues du tout-sécuritaire (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle), du tout-carcéral, du tout policier ! Ils disent tous la même chose : « Il faut supprimer les allocations familiales, rouvrir les maisons de correction, construire un maximum de prisons ! »
    M. Robert Lamy. Après avoir échoué comme vous avez échoué, vous devriez avoir un peu de pudeur !
    M. Noël Mamère. Mais, messieurs de la majorité, vous avez eu des responsabilités dans le passé ! Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.) Et si vos politiques passées s’étaient révélées si efficaces, on le saurait depuis longtemps !
    M. Jean Marsaudon. Et vous, qu’avez-vous fait ?
    M. Georges Tron. Ils n’ont rien fait pendant cinq ans !
    M. Noël Mamère. Le temps est donc venu de dénoncer ces imposteurs et ces apprentis sorciers qui jouent les pourfendeurs vertueux, tout en entretenant soigneusement l’insécurité qu’ils s’acharnent à dénoncer ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.)

Les Verts, que j’ai l’honneur de représenter à cette tribune (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.),…
    Plusieurs députés du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle. Vous êtes trois !
    M. Christian Cabal. Trois Verts, bonjour les dégâts !
    M. Noël Mamère. … sont le seul parti…
    M. Claude Goasguen. Où sont-ils ?
    M. Noël Mamère. … qui prône un autre choix que celui proposé par le discours sécuritaire de la droite (Exclamations sur les bancs du du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.)
[…]
    M. Noël Mamère. Notre projet politique en matière de lutte contre l’insécurité et de droit à la tranquillité publique repose sur les principes de ce que j’appelle la vraie gauche. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Dominique Dord. Expliquez-nous : c’est quoi « la vraie gauche » ?
    M. Hervé Novelli. La gauche caviar !
    M. Noël Mamère. S’il y a une vraie gauche qui axe sa politique sur la prévention, sur la médiation, sur l’aide aux victimes et sur le soutien à la police, on peut dire aussi qu’aujourd’hui vous représentez la vraie droite, c’est-à-dire une droite conservatrice, qui axe l’essentiel de sa politique sur la sécurité et sur la répression. De ce point de vue, vous êtes effectivement la vraie droite.
Et quand vous prétendez être une droite qui serait ouverte à la société et intégrerait le centre – les amis de M. Bayrou savent ce que cela veut dire -, eh bien, vous êtes dans la contrevérité et le mensonge, parce qu’en fait, vous êtes une des droites les plus conservatrices de l’Union européenne.
    M. Robert Lamy. Les Français ont jugé, monsieur Mamère !
    M. Noël Mamère. La vraie gauche, c’est celle qui axe sa politique sur la prévention, sur la médiation,…
    M. Claude Goasguen. Cette politique a été mise en œuvre et cela n’a pas marché !
    M. Noël Mamère. … sur l’aide aux victimes, sur le soutien à un police républicaine. Nous faisons le pari de l’alliance d’une prévention renforcée et d’une répression intelligente, c’est-à-dire mieux ciblée et mieux adaptée.
    M. Robert Lamy. Vous avez eu vingt ans pour le faire !
    M. Noël Mamère. Il faut des institutions préventives et répressives modernisées, recentrées sur leurs missions de base, proches de la population. Il faut mettre en œuvre des politiques de réparation,…
    M. Claude Goasguen. Poncifs que tout cela !
    M. Noël Mamère. … des sanctions qui visent à créer des liens de solidarité, de responsabilité, plutôt qu’à isoler, à stigmatiser des individus et des familles, les rendant encore plus dépendants.
Le système répressif est en crise sur trois plans, ce qui se traduit par la diminution de la qualité du service rendu, la difficulté à faire face à la croissance du contentieux, et une efficacité réduite.
    M. Dominique Dord. C’est le résultat de la politique que vous avez menée !
    M. Noël Mamère. Nous devons opérer une réforme de la police qui permette d’agir simultanément sur ces trois plans.
    M. Robert Lamy. Il fallait y penser plus tôt !
    M. Georges Tron. Qu’avez-vous fait pendant cinq ans, monsieur Mamère ?
    M. Noël Mamère. C’est pourquoi, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis évidemment totalement en rupture avec le présent projet en matière de sécurité (« Heureusement ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle),…
    M. Robert Lamy. Ça nous rassure !
    M. Noël Mamère. … qui est comme emporté par le maelström du tout sécuritaire.

    En effet, les démocrates sincères ne peuvent pas se reconnaître dans l’approche que vous faites des sentiments d’insécurité et de délinquance.
    M. Pierre Lellouche. Nous ne serions pas sincères ?
    M. Claude Goasguen. Encore des poncifs, monsieur Mamère !
    M. Noël Mamère. Il faut les traiter plutôt que de les exploiter politiquement, comme le font la droite et l’extrême droite.
    M. Claude Goasguen. Vous radotez !
    M. Noël Mamère. Or, ces dernières années, c’est tout le contraire qui a été fait.
    M. Robert Lamy. Vous reconnaissez vos erreurs !
    M. Noël Mamère. Mais je ne nie pas les erreurs qui ont été commises de ce point de vue par la gauche. Au reste, ce n’est pas pour rien que les Verts ont voté contre le projet de loi « sécurité » en novembre 2001, nous n’étions pas d’accord sur tout et nous l’avons dit. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Georges Tron. Quel courage !
    M. Noël Mamère. Ces dernières années, les erreurs se sont cumulées : ce qui se fait aujourd’hui venant s’ajouter à ce qu’a fait M. Pasqua en 1995 et à ce qui a été fait par celui qui est aujourd’hui le président de notre assemblée. Souvenez-vous, amis de la gauche, que nous défilions dans les rues de Paris et de la France pour demander l’abrogation des lois Pasqua-Debré ; or elles ont simplement été aménagées, et non abrogées, comme la gauche s’y était pourtant engagée devant les Français. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.)
    Il s’agit donc d’une continuité, effectivement.

Et le 21 avril est le produit d’une série de déclarations irresponsables : souvenez-vous des « mauvaises odeurs » des immigrés (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle), des « bonnes questions » posées par le Front national, même si celui-ci apportait de « mauvaises réponses »…
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Ça, c’est du Fabius !
    M. Noël Mamère. … de « l’invasion » des immigrés, de la « misère du monde »
(« Ça, c’est Rocard ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle)…
    M. Christian Cabal. C’était faux ?
    M. Noël Mamère. … des « charters », et j’en passe… Je ne vous cite que les expressions les plus prégnantes dans notre mémoire.
Le chef de l’Etat a lancé sa campagne, le 14 juillet 2001, en parlant de cette « insécurité croissante, grandissante, espèce de déferlante ». (« Eh oui ! Malheureusement ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.) Aujourd’hui, avec le projet que vous nous proposez, monsieur le ministre, vous ne faites que continuer cette campagne de M. Chirac qui a surdéterminé le débat politique sur les questions d’insécurité…
    M. Dominique Dord. Il vaut mieux ça que l’inverse !
    M. Noël Mamère. … et qui a permis finalement à M. Le Pen d’arriver en deuxième position au premier tour de la présidentielle, fait inédit dans l’histoire de la Ve République.
    M. Claude Goasguen. Et vous, vous êtes dans l’opposition !
    M. Noël Mamère. Mais les partisans du tout-sécuritaire préfèrent, nous le savons tous, l’original à la copie. (« Vous l’avez déjà dit ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Uion pour la majorité présidentielle.) Ils l’ont d’ailleurs exprimé de manière très claire au premier tour. Ils l’ont répété au deuxième tour en se réfugiant, pour beaucoup d’entre eux, dans une abstention massive.

[…]

    M. Noël Mamère. Oui, que ferez-vous, monsieur le ministre, quand vos mesures n’auront accouché de rien, faute d’avoir pris le mal à la racine ?
    M. Dominique Dord. On peut quand même essayer !
    M. Noël Mamère. Est-ce que vous enfermerez les jeunes de sept à dix ans ? Est-ce que vous triplerez le nombre de prisons ? Est-ce que vous rétablirez la peine de mort ? (Protestations sur de nombreux bancs du groupe Union pour la majorité présidentielle.) On peut imaginer que vous alliez jusque-là.
    M. Jacques-Alain Benisti. Caricature !
    M. Noël Mamère. Les démocrates sincères ne peuvent se reconnaître dans votre absence de compassion envers la victime.
    M. Robert Lamy. Vous êtes un démocrate sincère ?
    M. Noël Mamère. Aujourd’hui encore, la victime est la grande absente de votre politique.

[…]

    M. Noël Mamère. Les démocrates ne se reconnaissent pas dans la notion de tolérance ou d’impunité zéro. Les démagogues de la sécurité nient en effet la violence des rapports sociaux. Ils font comme s’il n’y avait pas d’inégalités sociales, comme si, dans notre pays, il n’y avait que des individus libres et égaux agissant en fonction de critères rationnels. Plutôt que de nier la violence, il faut savoir s’organiser pour la contenir au mieux.
Personne, pas plus M. Le Pen, M. Chirac, que vous-même, monsieur le ministre, ne peut faire disparaître la délinquance par un coup de baguette magique. C’est un mensonge et une faute grave que de soutenir cette thèse.
    M. Pierre Cardo. Ce n’est pas parce que vous n’avez pas réussi que ce n’est pas possible.
    M. Gérard Hamel.Vous verrez que c’est possible.
    M. Noël Mamère. Cette démagogie nous empêche de lutter réellement contre la criminalité. La tolérance zéro, c’est une notion importée d’Amérique, qui a été mondialisée par des relais dans tous les pays où l’Etat abandonne son rôle de protection sociale et confie à la police le soin de gérer ce qu’il ne veut plus assumer. Il faut en finir avec cette formule à l’emporte-pièce qui nous empêche de proposer des solutions à court et à moyen termes. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Pierre Cardo. Les électeurs ont déjà commencé à le faire !
    M. Noël Mamère. Les démocrates ne peuvent se reconnaître dans votre politique de sanction. La sanction n’a de sens que si elle s’applique dans le cadre d’un véritable contrat social au sein duquel la police et la justice ont une place reconnue par tous. La légitimité de leur action doit pouvoir être reconnue par l’ensemble de la société. Elle ne l’est pas aujourd’hui car perdure le sentiment d’une police et d’une justice à deux vitesses. La prévention doit donc devenir partie intégrante de la fonction policière. Il ne s’agit pas de faire des contrôles d’identité massifs, pratiqués souvent sans respect pour les individus qui en sont l’objet et qui, accumulés, suscitent la rancœur, pour que la police soit respectée. Non, ce n’est pas cela qu’il faut. Ce qu’il faut, c’est que la police respecte les citoyens, tous les citoyens sans discrimination. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Eric Raoult. Mais elle le fait !
    M. Noël Mamère. Le rôle des BAC doit être redéfini et contrôlé.
    M. Pierre Cardo. La prévention est du ressort des maires.
    M. Noël Mamère. Pour être acceptée dans les quartiers, la police doit pouvoir rendre compte régulièrement de son action devant la population car elle est la police de la République.
    M. Georges Tron. Commencez par la respecter vous-même !
    M. Noël Mamère. Les démocrates ne se reconnaissent pas dans la politique du tout-carcéral. Cette américanisation de la répression qui consiste à mettre tout le monde en prison ou dans des lieux d’enfermement et qui renforce à terme la délinquance.
    M. Georges Tron. Ça ne veut rien dire « mettre tout le monde en prison ». C’est absurde de dire des choses pareilles !
    M. Noël Mamère. Enfermer ensemble des individus qui n’ont rien en commun suffit à faire de garçons de dix-huit ans des criminels endurcis. Décider de rouvrir les maisons de correction, dont je rappelle que la dernière fut fermée en 1979 par Alain Peyreffitte…
    M. Jean Marsaudon. La délinquance n’est pas la même !
    M. Noël Mamère. … qui constatait à l’époque la dangerosité criminogène de ces établissements…
    M. Pierre Cardo. Evidemment, ils étaient immenses !
    M. Noël Mamère. … est une bêtise.
Le problème, nous le savons, ce n’est pas le délinquant, c’est le terreau dans lequel il vit.
    M. Frédéric de Saint-Sernin. C’est ce que disait Jospin et on a vu le résultat !
    M. Noël Mamère. En mettant à l’écart l’individu dangereux, vous ne faites que le conforter dans son rôle, et vous n’avez pas résolu le problème à la base. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Eric Raoult. Mamère, c’est Rousseau !
    M. Noël Mamère. Je propose des alternatives à la prison, avec le développement systématique des travaux d’intérêt général, pour les vols qualifiés sans violence et les vols simples, le remboursement de la victime et des bureaux d’accueil des victimes dans chaque commissariat de police.
    M. Hervé Novelli. Vous êtes le dernier rousseauiste !
    M. Noël Mamère. Les démocrates, monsieur le ministre, ne se reconnaissent pas dans l’Etat pénal que votre gouvernement veut mettre en place pour remplacer l’Etat social. C’est un choix de société.
    M. Pierre Cardo. Des mots !
    M. Noël Mamère. On ne trouve plus d’argent pour l’école, pour les retraites, pour la santé, pour la protection sociale. (« C’est votre bilan ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.) On rogne sur les minima sociaux, et le seul domaine pour lequel il faudrait toujours donner plus de moyens, sans contrôle, ce serait la sécurité ?
Ce choix, défendu par M. Bush aux Etats-Unis, est-il bien le nôtre ?
La tolérance zéro, c’est un concept forgé de toutes pièces à Manhattan. Moi, je lui préfère celui d’injustice zéro.
    M. Hervé Novelli. Vous, c’est l’intolérance maximale !
    M. Noël Mamère. Il est plus conforme à la tradition française des droits de l’homme et au modèle européen et il est plus juste à tous points de vue.
L’injustice zéro consiste à ne laisser personne au bord du chemin, à ne laisser aucun quartier défavorisé sans service public, à ne pas demander les sacrifices toujours aux mêmes. La restauration de la loi et de l’ordre sur tout le territoire ne se fera pas sans que ceux qui ont construit des cités sans âme, enclavées, qui ont marginalisé les populations en les montrant du doigt, qui ont brisé l’espoir de plusieurs générations ne reviennent sur leurs erreurs ou passent la main. Il n’y a pas de sécurité sans justice.
    M. Pierre Cardo. Facile à dire.

$    M. Noël Mamère. Je ne comprends pas cette nouvelle mode qui consiste à dire que la politique de sécurité serait par nature consensuelle, que les solutions de la gauche et de la droite seraient identiques.
    M. Claude Goasguen. Les électeurs non plus !
    M. Noël Mamère. Je ne comprends pas ceux qui renient l’histoire de la gauche, celle qui créa la Ligue des droits de l’homme, celle qui mit fin à la peine de mort, celle qui descendit dans les rues contre les lois Pasqua-Debré, celle qui sait mettre l’accent sur la prévention plutôt que sur la prison.
Oui, je préfère Badinter et Bonnemaison à Pasqua et Sarkozy. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean Marsaudon. Ce n’est pas l’avis des Français !
    M. Pierre Cardo. Bonnemaison avait un peu changé d’avis.
    M. Noël Mamère. Oui, je préfère la loi sur la présomption d’innocence à la loi sur la sécurité intérieure qui criminalise les jeunes tout en ne répondant pas aux questions concrètes posées par l’insécurité sociale dans nos banlieues.
    M. Hervé Novelli. Vous préférez les coupables aux victimes.
    M. Noël Mamère. Et je préférais Lionel Jospin (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle)…
    M. Jean Marsaudon. Les Français n’en ont pas voulu !
    M. Noël Mamère. … quand il mettait en place la police de proximité et les emplois-jeunes dans les commissariats, à M. Raffarin qui demande l’ouverture de centres d’enfermement pour les enfants dans le seul but de répondre aux attentes supposées des sondages. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.)

La démocratie authentique, c’est…
    M. Georges Tron. Vous ne savez pas ce que c’est, la démocratie !
    M. Noël Mamère. La démocratie authentique, c’est « l’association intime, c’est la fusion de l’Etat et du citoyen », disait Pierre Mendès France. Aujourd’hui, le citoyen et l’Etat sont devenus étrangers l’un à l’autre. Le citoyen se détourne de l’État et l’État se méfie du citoyen. Dans ces temps où l’odeur malsaine de l’extrême droite répand son fumier partout en Europe.
    M. Thierry Lazaro. Grâce à vous !
    M. Noël Mamère. … nous devrions en prendre conscience et ne pas nous laisser aller.
Pour que vous emportiez l’adhésion de la représentation nationale, monsieur le ministre, il aurait fallu que votre projet de loi ne confonde pas restriction des libertés et sécurité, sentiment d’insécurité et besoin réel de la population, lutte contre les causes de la délinquance et affichage politique. Pour cela, monsieur le ministre, il aurait fallu que vous ayez une conception républicaine fondée sur l’égalité des droits des citoyens, les libertés démocratiques et les devoirs de tous.
Nous n’avons pas besoin de shérifs, ni de bravaches, ni de journalistes pour combattre les violences et la délinquance. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Claude Goasguen. Pas besoin de Verts non plus !
    M. Noël Mamère. Nous avons besoin d’une politique à long terme qui combatte les causes de l’insécurité, et ne se compromette pas dans la politique spectacle.
De votre loi, monsieur le ministre, on dira dans quelques mois : « Tout ça pour ça ! »
    M. Pierre Lellouche. On verra, monsieur Mamère.
    M. Claude Goasguen. Vous allez trop au cinéma, monsieur Mamère !
    M. Noël Mamère. Une loi qui aura encouragé la division de nos concitoyens, tout en ne changeant pas grand-chose aux conditions réelles du combat pour la tranquillité publique.
Je condamne ce projet qui consacre l’omnipotence et l’omniprésence de la police, qui transforme les pauvres et les non-conformes en délinquants et qui développe la surveillance généralisée de la population. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Thierry Lazaro. Qu’est-ce que cela veut dire « non-conformes » ?
    M. Noël Mamère. Dans un Etat de droit, les libertés individuelles et publiques doivent primer sur le pouvoir de la police.
    M. Claude Goasguen. La sécurité, c’est la liberté

M. Noël Mamère.
A défaut, nous le savons, la porte est ouverte à l’arbitraire.
Et en ce jour du soixantième anniversaire de la rafle du Vél’d’Hiv (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle)…
    M. le président. S’il vous plaît, messieurs, M. Mamère a presque fini, laissez-le terminer.
    M. Pierre Lellouche. C’est honteux !
    M. Robert Lamy. C’est indécent !
    M. Noël Mamère. Je répète : en ce jour du soixantième anniversaire de la rafle du Vél’d’Hiv, où la police de Vichy, la police de Pétain, la police de l’État français a commis l’acte le plus ignoble de l’histoire de notre pays…
    M. Robert Lamy. C’est indécent !
    M. Claude Goasguen. C’est scandaleux !
    M. Noël Mamère. … nous devrions méditer sur ce qu’est l’arbitraire. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Je vous en prie, laissez M. Mamère parler !
    M. Noël Mamère. Nous devrions méditer sur les conséquences possibles de l’arbitraire.
    M. Claude Goasguen. C’est scandaleux !

M. Noël Mamère.
Mes chers collègues (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle)
    M. Thierry Lazaro. Pas « chers » collègues !
    M. Noël Mamère. Mesdames, messieurs, si vous préférez (« Oui ! C’est mieux ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Laissez M. Mamère terminer.
    M. Christian Cabal. Il provoque !
    M. le président. Eh bien, ne tombez pas dans la provocation !
[…]
M. Noël Mamère. Je répète, mes chers collègues – c’est une expression convenue que j’emploierai même si vous ne m’êtes pas chers (« Vous non plus ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle) et que je vous irrite -, mes chers collègues, si vous ne voulez pas regretter d’avoir voté une loi liberticide, une loi porteuse de dérapages, de bavures, une loi sans consistance,…
    M. Robert Lamy. Il faut savoir : elle est inconsistante ou pleine d’erreurs ?
    M. Noël Mamère. … une loi qui continuera à diviser les citoyens, une loi de stigmatisation, une loi de guerre contre les pauvres, ayez la sagesse de voter l’exception d’irrecevabilité que je viens de défendre devant vous. Je vous remercie. (Huées sur les bancs du groupe de l’Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Maurice Leroy. Applaudissements nourris !