11 novembre 2003
débat sur la transformation du RMI en RMA
M. le président. La parole est à M. Patrick Roy.
M. Patrick Roy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, voilà une mauvaise loi de plus !
M. Alain Gest. Ça commence mal !
M. Patrick Roy. Ça commence très bien ! Je pense que mes collègues de gauche se sentent inspirés par ce bon début.
M. Alain Gest. Vous pouvez encore vous reprendre !
M. Patrick Roy. Voilà une mauvaise loi de plus, injuste et totalement démagogique.
M. Yves Boisseau. C’est un connaisseur qui parle !
M. Patrick Roy. Ce projet de loi n’est pas un projet pour la France ; c’est d’abord un message clair lancé à votre électorat le plus conservateur.
Votre propos est simpliste. Il évacue le drame du chômage de masse que notre pays connaît depuis plus de vingt-cinq ans et qui aujourd’hui a bien souvent cassé les bénéficiaires du RMI, détruisant leur avenir personnel et familial. Cette vision simpliste, alors que notre pays connaît un niveau record d’insécurité sociale, est un outrage pour tous ces Français victimes de l’arrogance du profit et du « toujours plus ».
Caviar pour les uns, conserves pour les autres !
M. Gabriel Biancheri. C’est la lutte des classes !
[…]
M. Patrick Roy. En tout cas, c’est le moins qu’on puisse dire, le Gouvernement n’est vraiment pas sourd à ses amis du MEDEF. Il leur fait même un cadeau impérial !
La majorité a eu beau minimiser, en commission, l’aubaine que sera le RMA pour l’employeur, la vérité va renverser, quand elle sera connue, les plus incrédules : jamais les employeurs n’auront eu une main-d’oeuvre à si bon marché ! Le MEDEF a toujours souhaité bénéficier des CES, eh bien il va avoir beaucoup mieux !
Le MEDEF en avait rêvé, le Gouvernement l’a fait !
Et qu’on ne me dise pas qu’il s’agit là d’une aubaine partagée, car pour moins de deux euros de l’heure, non seulement le bénéficiaire du RMA va devoir s’engager dans une voie qui ne lui assure aucun avenir, mais il devra également faire face à de nouvelles charges – transport, tenue vestimentaire, garde d’enfants -, sur lesquelles vous restez évidemment bien silencieux.
Quelle stupéfaction, pour le bénéficiaire du RMA, quand il apprendra que ce contrat balaie nos règles sociales collectives. Pour un véritable salarié, cela a été dit à plusieurs reprises, un an de travail, c’est un an de cotisations sur la retraite ; pour un bénéficiaire du RMA, un an de RMA, c’est un trimestre de cotisations sur la retraite ! C’est à peine croyable !
M. Alain Gest. Et dix ans de RMI, c’est quoi ?
M. Patrick Roy. Quelle aubaine, par contre, pour l’employeur qui, après avoir utilisé le bénéficiaire du RMA pendant dix-huit mois, pourra le rejeter, le laisser repartir vers son angoisse, encore plus découragé par son espoir brisé, et utiliser tout à fait librement un autre bénéficiaire du RMA ! Pendant ce temps, les éventuelles embauches, même précaires, resteront à la porte de l’entreprise. Un contrat RMA, ce sera d’abord et surtout un CDI ou un CDD en moins.
Le RMA ne construit pas d’avenir, il n’est que l’illusion de l’été indien.
A moins que vous sortiez de votre poche, monsieur le ministre, l’obligation, pour les employeurs, d’offrir un vrai contrat, donc une vraie vie, digne et fière, aux bénéficiaires du RMA à l’issue de leur contrat.
Enfin, nous connaissions déjà, dans ce pays, le refrain des fonctionnaires privilégiés ; vous y avez, en juin et juillet derniers, ajouté celui des retraités trop prospères. Voilà que, grâce à vous, monsieur le ministre, nous allons connaître un nouveau privilégié : le smicard en CDI.
Malheureusement, la critique négative que nous avons à adresser à ce texte bâclé et secret ne s’arrête pas là.
En effet, ce projet de loi représente non seulement un terrible camouflet pour les professionnels de l’insertion, mais aussi un renoncement de l’État. Car, pour le Gouvernement, l’insertion, c’est : « courage, fuyons » !
Ainsi, vous voulez vous décharger sur l’employeur de la mission du parcours d’insertion, pourtant essentielle à la réussite du contrat. Or, elle demande une compétence tout à fait particulière, car on ne s’adresse pas aux populations les plus fragiles sans un savoir-faire issu de l’expérience.
Vingt-cinq ans de chômage de masse ont abouti à une casse sociale, à une casse humaine exceptionnelles. Les repères de la vie ont été brisés. Les employeurs ont souvent des qualités techniques, économiques. Mais croyez-vous qu’ils soient formés pour l’insertion ? Nous pensons que non.
Le suivi individuel, l’accompagnement ou l’accueil du bénéficiaire ne sont que très vaguement évoqués dans votre texte ! Vous savez pourtant que, dans le domaine de l’insertion par l’activité économique, ces actions personnalisées sont des éléments incontournables de la réussite de l’insertion dans l’emploi.
Le RMA ne sera pas un contrat d’emploi, il sera un constat de désarroi !
Et puis, monsieur le ministre, si vous n’aviez pas imaginé ce projet dans le secret du ministère, si vous n’aviez pas été aveuglé par votre idéologie conservatrice (Rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)…
M. Jean-Pierre Gorges. C’est le comble !
Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis. On dérape ! On part dans le décor !
M. Patrick Roy. … si vous aviez écouté, ne serait-ce qu’un peu, ceux qui travaillent dans le champ de l’insertion et qui connaissent la réalité, (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) vous auriez su qu’il fallait aller vers la simplification des dispositifs d’emplois aidés. Au lieu de cela, vous en remettez une couche de plus. Vous noyez un peu plus le poisson. Vous serez médaillé de la lourdeur administrative. Pourquoi ne pas écouter les argumentaires ? Pourquoi ne pas tout refondre en un seul dispositif ?
Monsieur le ministre, moins d’un Français sur cinq a voté pour votre politique en 2002. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Alain Gest. Et pour la vôtre ?
M. Patrick Roy. Je ne le conteste pas. Je sais lire les chiffres.
M. Alain Gest. Il faut savoir les analyser aussi !
M. Jean-Pierre Gorges. Vous, vous avez été éliminés au premier tour !
M. Patrick Roy. Pour nous, c’est encore moins, mais pour vous, c’est moins d’un sur cinq, et il a fallu, pour que la démocratie reste sauve, qu’au deuxième tour, la gauche fasse le choix de la patrie plutôt que du parti.
M. Alain Gest. Aïe, aïe, aïe !
M. Patrick Roy. J’aime bien vous le rappeler, messieurs. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Aujourd’hui, pour redonner enfin du sens à la démocratie et à la politique,…
M. Alain Gest. … il faut tenir nos engagements !
M. Patrick Roy. … il nous faut apporter des réponses à la vraie vie.
La vraie vie, ce n’est pas celle des salons feutrés ou des voitures aux vitres teintées ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean-Pierre Gorges. C’est indigne d’un député !
M. Patrick Roy. La vraie vie, c’est, par exemple, la vie très difficile des femmes isolées dans ce pays et, plus précisément, de celles qui ont charge de famille, et qui sont aujourd’hui au RMI. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Quelles mesures prenez-vous pour toutes ces femmes courageuses ? Aucune !
M. le président. Monsieur Roy, il faut conclure !
Mme Arlette Franco. Cela vaudrait mieux, effectivement !
[…]
M. Patrick Roy. Avec votre texte, avec ce mauvais scénario, pour tous ceux qui souffrent, l’avenir ne sera pas un long fleuve tranquille…
Pis encore, comme aurait pu le dire Bernie Bonvoisin, avec ce texte antisocial, les RMIstes risquent de perdre leur sang-froid ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
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