2003/RAFFARIN_  » Les socialistes semblent préférer leur parti à la patrie. »

3° séance du 10 juillet 2003
après que Pascal TERRASSE ait défendu « l’exception d’irrecevabilité »

http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2002-2003/20030235.asp#PG6

 

Rappel au règlement

    M. Jean-Marc Ayrault. Je demande la parole pour un rappel au règlement. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
    M. Michel Herbillon. Il y avait longtemps !
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Attendez !
    M. Julien Dray. Quelle impatience !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault pour un rappel au règlement.
    M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, ce soir, le Premier ministre a tenu, avec le ministre de l’intérieur, une réunion publique, à Asnières
    M. Claude Goasguen. Quel rapport ?
    M. Jean-Marc Ayrault. Je vais vous citer un extrait de son intervention. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
    « Je n’ai pas parlé de l’opposition. Elle n’en vaut pas toujours la peine. Nos adversaires, je crois, ont perdu le sens de la France, de l’intérêt général. » (« Oui ! Oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Un peu de silence. Seul M. Ayrault a la parole.
    M. Jean-Marc Ayrault. « Ils ont démotivé la France. Ils semblent préférer leur parti à leur patrie. » (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Vives exclamations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Julien Dray. Raffarin, qu’est-ce qu’il connaît de la patrie ?
    M. Jean-Marc Ayrault. Voilà des propos dignes des années trente. En lisant cette dépêche, nous, députés socialistes, avons été d’abord incrédules, puis nous sommes passés de la stupéfaction à l’indignation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bernard Roman. Absolument !
    M. Jean-Pierre Balligand. C’est grave !
    M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, cette déclaration est particulièrement choquante.
Nous n’avons pas à nous justifier. Nous aimons la France autant que vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Nous défendons nos convictions aussi fortement que vous, parce que nous croyons à la démocratie et à la confrontation des idées, des projets et des programmes. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
    Nous croyons à la différence entre la droite et la gauche, mais nous savons, en cas de besoin, prendre nos responsabilités, défendre l’intérêt général, l’intérêt national. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Notre histoire, nos engagements, à nous et à beaucoup d’autres qui nous ont précédés, sont là pour le prouver. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Nadine Morano. Ce n’est pas un rappel au règlement !
    M. Jean-Marc Ayrault. Rien d’autre ne nous anime que l’intérêt des Français dans ce débat sur l’avenir de notre système de retraite. Alors, comment peut-on nous humilier de la sorte, nous…
    M. Bernard Deflesselles. Vous avez cinq ans de responsabilité !
    M. Jean-Marc Ayrault. … et surtout, au-delà de nous, ceux que nous représentons et qui sont des Français comme les autres ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Ces Français étaient au rendez-vous du 1er mai 2002, comme ils étaient au rendez-vous du 5 mai 2002 (Protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), quand ils ont su mettre au-dessus de leurs convictions les intérêts de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Alors, oui, nous sommes non seulement choqués, mais indignés par cette déclaration du Premier ministre ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
    Je demande, monsieur le président, au nom du groupe socialiste, une suspension de séance ! (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous ne reviendrons siéger que dans un débat que nous souhaitons digne (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), dans lequel les points de vue pourront être confrontés dans le respect des uns et des autres (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), que quand le Premier ministre sera venu en séance pour s’expliquer et présenter ses excuses devant la représentation nationale ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue pour dix minutes.
    (La séance, suspendue à vingt-trois heures quinze, est reprise à vingt-trois heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Jean-Louis Debré.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est reprise.
    M. Augustin Bonrepaux. On veut le Premier ministre !
    Mme Martine David. Il est où, le patriote ?
    M. le président. Monsieur Ayrault, j’ai pris connaissance des raisons de votre rappel au règlement,…
    M. Patrick Lemasle. C’est une affaire très grave !
    M. le président. … j’en ai pris acte et j’en ai fait part au Premier ministre. (« Et alors ? » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Augustin Bonrepaux. Qu’il vienne !
    M. le président. Monsieur Bonrepaux !
La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.
    M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, je vous remercie d’avoir fait part au Premier ministre de l’indignation et de la colère des députés socialistes.
    M. Michel Herbillon. Cinéma !
    M. Jean-Marc Ayrault. Nous avons demandé que le Premier ministre vienne présenter ses excuses (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), mais le Gouvernement étant représenté ce soir par le ministre des affaires sociales, nous demandons à ce dernier de le faire au nom du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – « Non ! Non ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
    M. Patrick Lemasle. C’est honteux !
    M. le président. Monsieur Ayrault, j’ai transmis au Premier ministre les termes exacts de votre rappel au règlement et nous aurons demain les questions d’actualité. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, pour répondre.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous venons d’entendreM. Terrasse nous présenter une exception d’irrecevabilité. (Vives protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
    Mesdames et messieurs les députés du groupe socialiste, chacun est libre de ses opinions. (Protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste.) Nous venons d’entendre beaucoup d’erreurs, de mensonges, et parfois d’insultes à l’égard du Gouvernement. (Vives protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste.) Pourtant je ne vous demande pas de présenter des excuses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Huées sur les bancs du groupe socialiste dont les députés se lèvent et font mine de quitter l’hémicycle.)
    M. le président. Je vous en prie !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Par sa démonstration, M. Terrasse était censé défendre une exception d’irrecevabilité. (Protestations et bruit continu sur les bancs du groupe socialiste.) Or les arguments qu’il a avancés avaient peu de rapport avec une telle motion de procédure. (Vives protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste.)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Raffarin ! Raffarin !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Son argument principal repose sur le fait que l’article 4 du projet créerait une contrainte sur les régimes complémentaires gérés par les partenaires sociaux. Mais c’est précisément cet argument qui justifie pleinement que le Gouvernement ait choisi de ne pas créer une garantie juridique et financière, préférant définir un objectif partagé par tous. (Protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste.) Nous l’atteindrons par la revalorisation du minimum contributif de trois fois 3 % d’ici à 2008.
Cette exception d’irrecevabilité n’a donc aucun fondement. Elle s’apparente même à un détournement de procédure. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Je demande donc à l’Assemblée de la rejeter. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations véhémentes et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste.)

Rappel au règlement

    M. Jean-Marc Ayrault. Je demande la parole pour un rappel au règlement. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
    M. Bruno Le Roux. Et les excuses du Gouvernement ?
    M. le président. Mes chers collègues, je vous renvoie au règlement, que j’applique ! C’est moi qui dirige les débats. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Bernard Roman. Les excuses !
    M. le président. Monsieur Roman, taisez-vous !
Je donne la parole à M. Jean-Marc Ayrault pour un rappel au règlement.
    M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, j’ai attendu que le ministre ait terminé pour demander la parole pour un rappel au règlement, mais je persiste et je signe.
En fait, M. le Premier ministre est responsable de cette situation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Ses déclarations nous font courir le risque que ce débat ne puisse plus se dérouler dans de bonnes conditions.
    M. Michel Herbillon. Cinéma !
    M. Lucien Degauchy. Comédien !
    M. Jean-Marc Ayrault. Il n’est pas possible de banaliser comme vous venez de le faire, monsieur le ministre, dans votre dernière intervention, les propos tenus cet après-midi car ils mettent en cause la dignité des députés socialistes et, au-delà, celle de la représentation nationale tout entière. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
    M. Michel Vergnier. Très bien !
    M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, nous ne pouvons pas poursuivre la discussion comme si de rien n’était, sans que le Gouvernement fasse le geste que nous attendons, que nos électeurs attendent et que les Français sont en droit d’attendre. Je le demande donc solennellement au Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Monsieur Ayrault, j’ai fait ce que je croyais devoir faire. Je suis venu présider, je vous ai dit que je prenais acte, conformément au règlement, de votre rappel au règlement. Je l’ai transmis au Premier ministre. Il lui appartient, le moment venu, de s’expliquer. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Monsieur Ayrault, je souhaite, pour la sérénité des débats… (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    De nombreux députés du groupe socialiste. Qu’il vienne s’expliquer !
    M. le président. Ne donnez pas ce spectacle ! (Mêmes mouvements.)
    M. Patrick Bloche. Des excuses !
    M. le président. Monsieur Ayrault, je vous demande de donner une autre image. (Mêmes mouvements.)
    M. Augustin Bonrepaux. Quelle image donnez-vous vous-même !
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, asseyez-vous !
La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

    M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, nous souhaitons comme vous conserver à cette assemblée la dignité qu’on lui doit. Toutefois le Premier ministre a fait cet après-midi une déclaration particulièrement grave. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
    M. Guy Geoffroy. C’est faux !
    M. Jean-Marc Ayrault. Je note que vous avez transmis mon rappel au règlement au Premier ministre, mais j’observe que le ministre présent et son collègue refusent de présenter des excuses. Monsieur le président, en vertu de l’article 58 de notre règlement, je vous demande une suspension de séance d’une heure pour réunir mon groupe. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Monsieur Ayrault, je vous accorde une suspension de séance de quinze minutes. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à vingt-trois heures trente, est reprise le mercredi 11 juin 2003 à zéro heure.)
    M. le président. La séance est reprise.
La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, nous avons engagé cet après-midi un débat très important pour l’avenir de notre pays. Ce débat suppose que chacun puisse s’exprimer dans la sérénité et que tous les arguments soient mis devant les Français afin qu’ils puissent juger de la réforme que nous proposons.
A l’évidence, cette sérénité n’est pas au rendez-vous et le climat qui règne ce soir ne permet pas de poursuivre nos débats comme le souhaite le Gouvernement.
    M. Jean-Claude Lefort. Sortez le 49-3 !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Aussi, monsieur le président, je demande que nos travaux soient suspendus. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

La séance est levée.
    (La séance est levée à zéro heure cinq.)