2011/ Un « dérapage » à l’Assemblée ou Quand la droite se considère propriétaire du pouvoir.

Quand, en pleine séance de l’Assemblée, M.Baroin accuse les socialistes , non seulement, de « s’accrocher à des vieilles lunes (socialistes) », mais surtout d’être parvenu au pouvoir, en 1997, « par effraction » en faisant miroiter ces « vieilles lunes », il ne fait que s’inscrire dans une longue tradition des élus de droite.

Trois exemples pris au cours de la période post «  21 avril » (2002-2003), qui sert de support à ce blog

1- Débat sur les 35 heures.

Jean Le Garrec défend une motion de procédure :
« Je commencerai mon propos en faisant référence à notre histoire sociale, non par archaïsme, ce qui n’est pas tout à fait mon style [interruption.]  mais tout simplement parce que je sais que si l’histoire ne se répète pas, elle balbutie souvent. Et les mêmes erreurs sont commises. [] A l’occasion de chaque conquête difficile, de chaque avancée arrachée, nous avons eu droit aux mêmes arguments.
« Vous remettez en cause la liberté de l’entreprise ! « 
« Cela ne répond pas à la nécessité économique ! 
« 
« C’est impossible à mettre en œuvre ! »
entend-on toujours répéter. Et c’est en cela que l’Histoire n’est qu’un éternel recommencement ».

François Fillon, alors ministre des affaires sociales, lui répond :

« Vous avez défendu l’idée que la droite est la droite, que la gauche est la gauche, que l’histoire balbutie, que vous avez toujours été à l’origine des conquêtes sociales quand nous aurions toujours tenté de nous y opposer. C’est oublier le rôle que nous avons joué dans la construction de notre système de protection sociale. C’est oublier les grandes lois de 1970 sur l’hôpital, de 1975 sur les handicaps, ou encore de 1971 sur la formation professionnelle. C’est aussi oublier le rôle et la responsabilité du Front populaire dans l’effondrement de la nation française elle-même ! »

 Compte rendu intégral
http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2002-2003/20030003.asp#PG18

2- Début du débat sur les retraites.

Alors qu’en séance, la droite appelle la gauche à faire consensus sur cette question d’intérêt national, hors Assemblée – lors d’une réunion publique – le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, déclare :
« Je n’ai pas parlé de l’opposition. Elle n’en vaut pas toujours la peine. Nos adversaires, je crois, ont perdu le sens de la France, de l’intérêt général. Ils ont démotivé la France. Ils semblent préférer leur parti à leur patrie
Lorsque Jean-Marc Ayrault prend la parole dans l’hémicycle pour dire l’indignation de son parti devant une telle attaque, le Compte-Rendu fait état de « Rires et exclamations sur les bancs de l’UMP » !
http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2002-2003/20030235.asp#PG6

3. Fin du débat sur les retraites.

De nouveau, Jean-Marc Ayrault monte à la tribune pour expliquer :
« Il y a quelques heures, à Strasbourg, M. Raffarin nous a, de nouveau, gravement insultés. [« Oh ! » sur les bancs de l’UMP.] […] Ses propos ont été rapportés par une dépêche de l’Agence France Presse :
« La France n’est encore, dans son chemin du paradis, qu’au purgatoire puisqu’il reste des socialistes. »
[ Un député de droite : « Très bien ! »]
( Le président de l’Assemblée, Jean-Louis Debré, interviendra pour « affirmer solennellement, devant vous tous, l’estime et la considération que je porte au président Ayrault et à l’ensemble des membres de son groupe. »)

http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2002-2003-extra/20031003.asp#PG1

De telles interventions me font penser à ces rivières devenues souterraines au fil du temps et  qui, à des endroits donnés, sur une partie de leur cours, réapparaissent au grand jour. On appelle ce phénomène : « résurgences ».  C’est effectivement ainsi que, compte tenu de la nature du terrain (politique), les clivages enfouis ne peuvent que resurgir avec force, à des moments et sous des formes qu’il est difficile de prévoir.

Et s’il est un clivage imparable, irréparable, c’est celui qui fait – comme le dit très justement Martine Billard  (députée du Parti de gauche, Paris) – que « la droite se sent propriétaire de la France » et que, en conséquence, toute alternance – à gauche – ne peut être considérée, par la droite,  que comme un accident, une « effraction ».

Et dire qu’il y en a qui pensent qu’il n’y a pas de différences entre la droite et la gauche