« Est-ce que la loi sur les retraites aurait été différente s’il n’y avait pas eu ce long débat ? Est-ce qu’elle aurait été vécue – subie ? – différemment par les citoyens ? Est-ce qu’elle aurait été mieux faite ? mieux appliquée ? »
Telles sont quelques-unes des questions que je me posais après avoir étudié le débat sur les retraites de juillet 2003 .
Ces questions sont plus que jamais d’actualité avec le débat sur le mariage homosexuel qui commence ( et qui risque – pour reprendre l’expression de Fernand Raynaud – de durer « un certain temps » )
L’article Du rôle de l’opposition ( exemple du débat sur les retraites de 2003 ) fournit des éléments de réponse.
EXTRAITS :
Du point de vue de la majorité, la réponse auxdites questions est « spontanément » orientée vers la négative : la réforme correspondant à un engagement du président de la République et de sa majorité ; il n’est pas envisageable que ladite réforme ne fût pas votée.
En conséquence de quoi, la bataille menée par l’opposition ne peut qu’apparaître comme une « manœuvre de retardement », une tentative manifeste d’«obstruction » – tentative inutile et vaine, car de toute façon …
c’est, disait Bernard Accoyer, lors du débat sur les retraites de 2010, « le prix à payer », un « mal nécessaire »
Du point de vue de l’opposition, plusieurs considérations amènent les députés à « user » d’une stratégie ( qui, parfois devient « usante » … pour eux … et pour le citoyen !) :
1) Le droit d’amendement est un droit inaliénable ;
2) L’opposition a alors pour rôle de poser des questions afin de faire connaître à l’« opinion » le pourquoi et le comment des décisions prises ; il lui revient de pousser la majorité dans ses retranchements pour qu’elle « dévoile » le fond de sa politique : Il s’agit là d’une « fonction de dévoilement », qui se double – le plus souvent – d’une « fonction d’alerte ».
3) La fonction « caisse de résonnance » permettant à la minorité d’être présente – « re-présentée » dans l’enceinte où se dit, où se fait la loi n’est pas à prendre comme une simple convenance (il serait normal de « respecter » le vaincu), mais comme une exigence constitutive de la démocratie :
Si le débat se fait parfois violent, cette violence est à mettre en relation avec la violence faite au citoyen dont la « voix » est perdue, volée – « violée ? – , en tout cas niée, puisqu’elle ne peut produire d’effet.
4) C’est dans ce contexte que se pose la question de l’obstruction.
Paradoxalement, l’obstruction est – quand même ! – une construction : elle signifie que la loi qui est en train d’être dite, d’être faite, n’est pas revêtue du sceau sacré de l’absolu, de la nécessité ; elle n’est pas une copie d’une vérité qui s’imposerait d’elle-même ; elle n’est pas donnée, elle est construite ; elle est œuvre humaine, donc limitée, contingente, éphémère ; elle est une victoire provisoire contre l’inique, contre l’impossible ; elle est arbitrage et, pour que cet arbitrage ne soit pas arbitraire, elle appelle au débat.