Chronique d’abonnés
par DENIS MERIAU,
un citoyen ordinaire qui s’intéresse aux débats de l’Assemblée
15.0.10
Quand une réforme qui concerne tous les citoyens est élaborée sans tenir compte du tout des organisations syndicales…
… quand le texte est soumis en plein mois de juillet à la commission ad hoc et que ladite commission siège à huis clos…
… quand l’étude d’impact – rendu obligatoire par la réforme de 2008/2009 — est réduite à sa plus simple expression et ne permet pas de voir quel a été, à ce jour, l’impact réel de la réforme de 2003…
… quand la discussion en séance plénière est inscrite à l’ordre du jour d’une session extraordinaire, on ne peut plus chargée…
… quand une telle discussion est engagée selon la procédure dite « accélérée » (en conséquence de quoi, quelle que soit la façon dont se déroule la discussion au Sénat, il n’y aura pas de deuxième lecture à l’Assemblée)…
… quand le débat est organisé sur la base d’un temps dit « programmé » (50 heures – hors gouvernement – ce qui représente un tiers du temps consacré au débat en 2003) et que chaque séance commence par un « rappel au temps » du type « Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de x heures x minutes pour le groupe x dont x amendements restent en discussion » (l’Assemblée comme un gigantesque sablier… peu importe ce qui est dit…, ce qui compte, c’est que le temps passe… car, quand le temps sera passé, la réforme aussi sera passée !) …
… quand le débat commence sans que le Gouvernement ait fait connaître ses derniers amendements (soi-disant de « concessions » et, sans aucun doute, de compassion !) …
… quand le débat sur les amendements est réduit à presque rien du tout ( car les amendements de droite sont, le plus souvent, retirés au dernier moment et que les députés de l’opposition – surtout au début du débat — préfèrent intervenir dans la discussion générale qui débute l’étude de chaque article… de peur de ne pas pouvoir dire tout ce qu’ils ont à dire)…
… quand il n’y a pratiquement aucun scrutin public (sauf sur les amendements demandant la suppression de l’article 5 fixant l’âge légal de la retraite à 62 ans) et que, par conséquent, le citoyen ne peut savoir qui a voté quoi…
… quand ministres et rapporteurs se contentent, le plus souvent, de réponses laconiques et répétitives, voire fallacieuses (comme, par exemple, lorsque le Gouvernement dit qu’il a fait passer de 10 % à 20 % le taux d’invalidité ouvrant droit à la retraite à 60 ans au titre de la pénibilité) …
… quand aucun amendement de l’opposition n’est voté en séance plénière (même quand ils portent sur des sujets – en principe – consensuels, comme la prise en compte pour les retraites des problèmes des handicapés…
… quand, au détour d’un amendement, on met à bas les fondements mêmes d’une institution protectrice des salariés, comme c’est le cas avec la médecine du travail…
… quand il faut attendre minuit passé pour discuter – au pas de charge – des sujets tels que les injustices qui frappent les seniors en matière d’emploi ou les inégalités qui frappent les femmes en matière de retraites…
… quand sur cette dernière question, les députés de l’opposition sont interdits de parole, leur temps programmé étant écoulé…
… alors OUI, ils ont raison de faire de l’obstruction… d’autant plus que la forme donnée à cette opposition repose sur une procédure prévue lors de la réforme du travail parlementaire (à savoir la possibilité ouverte à tout député qui le demande de prendre la parole pendant cinq minutes pour expliquer son vote)…
… alors NON, monsieur ACCOYER, vous n’aviez pas le droit de suspendre la séance avant que tous les députés qui avaient demandé à exercer ce droit aient pu le faire…
… CAR ce droit, c’est aussi le nôtre… celui de ceux qui ne sont pas d’accord avec la réforme que vous proposez et qui, pour beaucoup d’entre eux, vont souffrir dans leur chair des conséquences de cette réforme injuste… de ceux qui se sont donné de la peine pour aller manifester leur désaccord et qui ne voient aucune retombée…
… CAR, pour que la loi votée soit la loi de tous, il faut que tous soient — d’une façon ou d’une autre – présents/ représentés dans le lieu où se dit/se fait la loi… et que c’est là, le rôle de l’opposition…
… CAR, lorsque l’opposition est ainsi encadrée, muselée, ridiculisée, c’est nous qui sommes encadrés, muselés, ridiculisés…
… CAR l’obstruction n’est que l’expression de (la réponse à) la violence qui nous est faite – de par la loi du nombre sur laquelle repose la démocratie sous sa forme actuelle – quand nous sommes obligés d’appliquer – de subir – une loi dont nous n’acceptons ni les fondements ni les modalités…
« La réforme du travail parlementaire : bonjour l’ennui ? » écrivais-je au moment de la réforme de 2008/2009. Cà y est. Nous y sommes. La preuve en est faite avec ce débat sur les retraites.
Mais je ne me réjouis pas d’avoir eu raison – contre ceux qui voulaient vraiment y croire à cette réforme qui allait « revaloriser » le Parlement –, car, derrière cela, ce qui nous guette, c’est « l’ennui démocratique » qui, comme je l’écrivais à l’époque, « ferait de nous des intermittents de la citoyenneté, des pourvoyeurs de voix, des plantes-supports sur lesquelles on grefferait des programmes tout faits. Bref, tout l’inverse de la démocratie ! »…
… et, puisque c’est comme çà, je m’en vais à la manif devant l’Assemblée !
On peut lire aussi :
La réforme du travail parlementaire_bonjour l’ennui ? ( texte fondateur/ 2009 )
pourquoi nous obéissons à la loi
Majorité contre opposition : jeux de rôles ( débat sur les retraites / 2003 )
Il y a tant à faire à l’Assemblée
Débat sur les retraites 2003_AMBIANCES au jour le jour
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