2009_S.O.S. Parlement !

 S.O.S. Parlement !

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lundi 1er juin 2009    par Karl Civis

     « La réforme du travail parlementaire : bonjour l’ennui ? » écrivais-je, fin janvier, dans mon blog « à quoi servent les débats parlementaires ? ».
Aujourd’hui, au vu du projet de Règlement que les députés vont discuter dans les jours qui viennent et, surtout, au vu du climat de tension extrême qui transparaît au fil des dépêches de l’AFP et des -trop – rares articles consacrés à la question, non seulement je supprimerais le point d’interrogation, mais je serais tenté de lancer un cri d’alarme  : « La réforme du travail parlementaire : SOS Parlement ! »

     Et pourtant, j’aurais aimé y croire… j’y aurais même presque cru. Mais l’heure est venue de regarder la réalité en face et de rappeler comment tout cela a commencé.

    Le président Sarkozy tenait absolument à pouvoir intervenir en tant que président de la République devant le Parlement. Pour cela, il fallait procéder à une révision de la Constitution.
Pour que le Roi n’apparaisse pas nu, il convenait d’habiller ladite révision : alors, on se mit en devoir de chercher comment réformer , rénover , moderniser , rationaliser le travail parlementaire.

    On nous a dit que c’était pour permettre à la majorité de pouvoir appliquer le programme sur lequel elle avait été élue. Mais quiconque voudrait démontrer que ladite majorité n’a pas pu appliquer son programme devrait tordre le cou aux faits. La Constitution de la Vème République a été faite pour que la majorité sortie des urnes puisse gouverner et appliquer son programme Et cela a bien ( ?) fonctionné … et fonctionne encore !

    On nous a dit que c’était pour permettre à l’opposition d’exister, de proposer, de contrôler. Ce n’est sans doute pas en restreignant son temps de parole qu’on améliorera la situation.

    Ce qu’on ne nous a pas dit – mais qui apparaît de plus en plus évident – c’est qu’il s’agissait de réorienter le travail de la majorité parlementaire et de faire disparaître, de façon toute symbolique, le spectre du 49-3 et, plus fondamentalement, celui de la dissolution. Le Président n’aura plus besoin d’utiliser de telles armes puisque, la police des débats, vous allez la faire vous-mêmes, messieurs de la majorité. Plus précisément, ce sont les responsables de ladite majorité – président de groupe, président de l’Assemblée nationale, présidents de commission qui vont faire la police des débats : ils auront le pouvoir d’arrêter le temps, d’arrêter le débat … pour que le train de la réforme présidentielle arrive à temps !

    Le Président, nous dit-on, ne disposerait plus que de la moitié du temps parlementaire pour mener à bien ses réformes. On le voit mal réfréner son envie – sa boulimie – de réformes. Or, du temps où il disposait d’une maîtrise totale de l’ordre du jour, il n’a cessé de faire de l’urgence le mode normal de la procédure. Alors, comment va-t-il faire, le pauvre ?

    Qu’il me soit permis, en toute modestie, de lui donner quelques conseils :

– En ce qui concerne la moitié de l’ordre du jour relevant du gouvernement (et qui correspond aux textes les plus discriminants, c’est-à-dire ceux qui justifient qu’une fois tous les cinq ans, le citoyen aille mettre un bulletin dans l’urne), le mot d’ordre sera « Je ne veux voir qu’une tête … Circulez ! y’a rien à dire ! ». C’est là que le couperet du « temps global » doit fonctionner à plein ! Tant pis pour l’opposition qui, à l’évidence, sera la principale victime ! Mais aussi gare aux députés de la majorité qui auront des états d’âme, ils seront condamnés à voir le train des réformes passer à toute allure devant eux, sans qu’ils n’aient eu le temps de dire ce qu’ils avaient à dire !

– En ce qui concerne l’autre moitié de l’ordre du jour, le gouvernement – si le train des réformes a pris du retard – n’aura qu’à faire sienne la tactique du général de Gaulle lors de ses fameuses conférences de presse : « Messieurs de la majorité, n’auriez-vous pas une proposition de loi à mettre en avant pour que je puisse faire passer mon projet de loi ? »

– S’il advient, un jour (!) , que nos parlementaires de la majorité aient la prétention d’élaborer et de voter un texte qui n’aurait pas l’heure de plaire au Président, celui-ci pourra toujours refuser de promulguer la loi en question … et le Gouvernement pourra toujours différer les décrets d’application !

– Le mieux pour éviter ce genre de situation embêtante, c’est de prendre les devants et de marchander : « Si tu veux que je soutienne ta proposition de loi, il vaut mieux que tu t’abstiennes de me compliquer la tâche, lorsque je défends des projets importants (et ils sont tous importants, puisque j’ai déclaré l’urgence !) »

– « Et puis, de toute façon, tu pourras toujours – après coup – contrôler ce que j’ai fait, moi Président, moi le Gouvernement, de la loi que tu as votée ! »

    Comme si nous les citoyens, nous avions élus un corps de contrôleurs ! Non ! nous avons élus des gens pour nous représenter, pour parler « en notre nom » , pour parler de nos affaires, de ce qui nous intéresse, de ce qui détermine nos conditions d’existence, de ce qui fait que la nation n’est pas un champ de foire où chacun défend ses intérêts – et seulement ses intérêts ! Nous avons élu des gens pour que la loi que nous allons faire nôtre porte en elle quelque chose de nous, quelque chose qui nous ressemble, quelque chose qui nous rassemble !