Une démocratie d’errance et de combat

  En ces temps où tout le monde (?) s’interroge sur le pourquoi de l’abstention, je voudrais proposer une autre approche du problème. Pour moi, la question n’est pas tant de savoir pourquoi les (des) gens ne vont pas voter, mais pourquoi les (la majorité des) gens vont encore voter, alors qu’ils ne cessent de récriminer contre les politiques, contre la politique.
Pour tenter de répondre à cette question, je me suis livré à un grand détour : je suis allé voir, dans le texte même des JO.Débats, ce que les députés faisaient, disaient (pour eux, dire, c’est faire !) de ce que nous sommes censés leur avoir dit en déposant notre bulletin de vote dans l’urne
.

    Et j’ai découvert qu’il y avait une autre façon de parler de la démocratie.


Non pas comme une affaire rationnelle, incontournable, nécessaire, donnée une fois pour toutes.
Mais comme une expérience, un essai (ce qui implique essais et erreurs), une tentative.
Une tentation même :
la tentation de poser le sac et de croire qu’on est arrivé,
la tentation de penser que tout cela tourne en rond,
et que, si çà continue, mieux vaut fermer boutique,
la tentation de vouloir que tout le monde soit beau et gentil
et de transformer ceux qui ne possèderaient pas ces attributs de beauté et de gentillesse en boucs émissaires.

    Je voudrais dire la démocratie comme une question, une énigme, une métaphore,
qui nous parlent de notre faculté – et de nos limites – d’homme, de notre irrésistible besoin d’être avec d’autres, d’être aux autres, d’être aux yeux des autres, apprécié, reconnu, aimé, et qui, dans le même mouvement, nous parle d’ambition, d’orgueil et dit notre besoin – tout aussi irrésistible, irréductible de nous démarquer, de nous opposer – et de refuser d’être ce que les autres voudraient que l’on soit.

  La démocratie, ce n’est pas l’« insurrection électorale » (c’est ce que disait José Bové lors des présidentielles de 2007) ;
ce n’est pas le grand soir, le paradis perdu, le nirvana ;
ce n’est pas ce « no man’s land », cette terre pacifiée – pas si fiable -, et qui, comme son nom l’indique, ne serait plus terre d’homme.
    La démocratie est un lieu – un temps – d’errance et de combat,
quelque chose comme une version moderne – actuelle – du  « Val sans retour » ; non pas le lieu d’un « éternel recommencement », mais le lieu d’une quête incessante, qui dit notre humaine condition.

Car depuis que nous avons refusé de nous en remettre à un Dieu ou à un Roi, nous sommes condamnés à chercher en nous-mêmes, par nous-mêmes,
le point de passage (en parler vendéen, on dit la « musse »),
le point d’équilibre (je l’appelle le « point Delta »… parce que D comme démocratie…),
qui est aussi point de déséquilibre
(ne faut-il pas que les deux jambes soient en déséquilibre pour que nous puissions avancer ?).

La démocratie n’est que tension, paradoxe, incertitude.

Il nous faut accepter le pas-à-pas, l’inachevé,
accepter l’énigme, le questionnement.
Il nous faut – et c’est là (ce devrait être) l’objet même des campagnes électorales – questionner sans cesse la réalité, l’autre, la société, le vivre ensemble.
Il nous faut débattre, délibérer, définir, critiquer, proposer, c’est cela la démocratie.

Pour progresser (dans la réflexion et dans l’action),  un double mouvement est nécessaire :

1) reconnaître – assumer – les imperfections, les tensions, les paradoxes, les contradictions qui sont autant de signes d’une inscription dans une Histoire concrète, autant de marqueurs de la présence et de l’action de l’homme ;

2) mais aussi admettre que les désirs, les utopies, les volontés font partie du réel…
et donc que la démocratie est perfectible, qu’elle doit être perfectionnée… et qu’en fin de compte, on a la démocratie qu’on mérite.

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