solidarités et connivences (Qui se ressemble s’assemble.)

Solidarités de terroir

Les évocations de (la) « campagne » créent, entre les députés, des solidarités qui dépassent les clivages partisans. (Rappelons-nous ces histoires qui « fleurent bon le terroir », qu’il s’agisse d’époisse, de truffes – mais, au fait, laquelle est la meilleure,   celle de Tricastin, de  Richerenche  ou de Lalbenque ? – … ou du floc de Gascogne – qui n’a rien à envier aux vins doux naturels ni même au calvados … !)

– Le président. La parole est à… [Un député lui  souffle le nom  du collègue qui doit intervenir.]  monsieur  P.
Merci, monsieur G., de me souffler le nom de monsieur P., mais je le connais bien. Nous sommes de la même région…

– Député 1 [« monsieur  P. »] … de part et d’autre de la Seine.
– Le président. Tout à fait. Cela crée des solidarités ! (Sourires.)

Effectivement, en  matière de solidarité(s), il n’y a pas plus normand … qu’un autre normand !  Surtout depuis qu’un ministre  et un député de l’opposition – un certain « monsieur B. » avec qui nous avons déjà eu l’occasion de partager quelques moments, dans l’ensemble, plutôt agréables – ont (re)découvert qu’ils avaient des origines communes…

– Le président. Monsieur le ministre, évitez d’interpeller M. B. !
– Le ministre. Monsieur le président, nous sommes nés dans le même département ! (Sourires.)

… ce qui donne lieu à des échanges très particuliers, « à la sauce normande » pourrait-on dire.

 [Morceaux choisis.] : solidarités « à la sauce normande »

– Député 1 [« monsieur B. »].  Je me disais que le ministre avait l’habitude de ces débats. Et puis, c’est un homme de courage, du sang viking coule dans ses veines, n’est-ce pas ? […]
 – Le ministre. J’indique tout d’abord à l’Assemblée que, si monsieur B. m’a qualifié de Viking, c’est parce que nous sommes tous deux originaires du beau département de l’Orne et que nous sommes donc issus d’une lignée commune.
– Député 1. Presque !
– Député 2. Heureusement, vous avez divergé ! [« monsieur B. » est effectivement député de l’opposition !]
– Le président. Que de révélations aujourd’hui ! (Sourires.)

– Député 1. Il n’y a pas besoin d’avoir fait HEC ou, pire encore, l’ENA, pour comprendre [cela]
– Le ministre. L’école primaire de Tinchebray suffit. (Sourires.)
– Député 1. Absolument, j’en suis tout à fait d’accord, encore que celle de Flers n’est pas plus médiocre. (Sourires.)

– Député 1  [élu de la région parisienne …  mais originaire de Normandie – la Basse !]. On entend beaucoup de choses, dans cet hémicycle. Monsieur le ministre, dans notre Normandie natale, vous savez bien que dans le cochon, on ne perd rien.
– Député[e] 3 [élue de la  – Basse – Normandie]. Très drôle !
– Député 1. Eh oui, madame B. ! Vous le savez, vous qui en êtes aussi. Et on ne perd même pas les vessies que vous voulez faire prendre pour des lanternes.
– Le président. [élu de la  – Haute – Normandie].  Ne dites pas de mal de la Normandie, monsieur B.
– Député 1. Ah ça, non ! Encore que nous n’appartenions pas à la même Normandie, monsieur le président.
– Le président. Nous n’allons pas faire un débat dans le débat pour savoir quelle est la bonne Normandie.
– Député[e] 3. C’est la nôtre !
– Député 1.   C’est la nôtre ! Celle qui garde les frontières avec la Bretagne. (Sourires.)

 

Solidarité des députés-chasseurs

La chasse fournit également un bon exemple de ces solidarités.

Tels « ces hommes simples, le visage buriné, les mains calleuses, entourés de chiens autour d’un feu » qui, « pour la millième fois, racontaient avec colère pour certains, avec tristesse pour d’autres, l’histoire de leur passion : la chasse » … les députés  – « sur tous les bancs », précise le Compte-rendu – écoutent avec un bonheur non dissimulé (« Que c’est beau ! » … « Il vous faut un éditeur ! ») l’histoire que leur raconte ce député picard , député UMP (le même qui avait subi les huées de l’opposition lors du débat sur la réforme des scrutins  … comme quoi les haines et les affinités peuvent se redistribuer selon les débats ! ) :

– J’ai fait un rêve, madame la ministre. (Sourires sur tous les bancs.) Celui-ci avait commencé comme un cauchemar, dans la brume. Était-ce au petit matin ou le soir, était-ce quand on déhutte ou à l’heure de la passée, était-ce en baie de Somme, en Brenne…
– Merci pour la Brenne.
   … en Camargue ou en Médoc, je ne sais plus. (Sur plusieurs bancs: « en Brière ! »
   

La députée du Var (UMP) se risque à intervenir dans ce débat « un tantinet masculin » – dira-t-elle (ce qui fera sourire ses collègues !) :

Pour la Provençale que je suis, il s’agit plus spécialement de la chasse aux grives qui, se pratiquant à l’agachon, au milieu de la garrigue, est intimement liée à nos us et coutumes et fait partie intégrante de notre art de vivre.

Le député (socialiste) d’une circonscription des Bouches-du-Rhône toute proche, après avoir rendu hommage à « notre cher collègue picard », fera de même en ce qui concerne sa « chère collègue » … à ceci près qu’il ne pourra pas s’empêcher de rectifier les propos de cette dernière … qui avait situé la chasse aux grives « dans un bois », alors que c’est « dans la garrigue » qu’elle se déroule ! (« Il faut avoir connu les petits matins brumeux, dans un bois – et non pas dans la garrigue, ma chère collègue, pour la chasse aux grives… ». Terrible erreur qui tend à montrer qu’elle n’«en est » pas vraiment.

Car, chez les « députés-chasseurs », il y a … ceux qui « en sont » (« L’impatience légitime des chasseurs, au nombre desquels j’ai l’honneur de me compter – et j’en suis fier […] ») – il y en a même qui sont présidents de société de chasse («  La proposition de loi que j’ai déposée [a été] , approuvée par de nombreux collègues présidents de fédérations départementales. »)  … et ceux qui n’«en sont » pas …  « Personne n’est parfait ! » répondra un député-chasseur à un de ses collègues qui a eu le tort de commencer son intervention par un aveu quasi impardonnable « Je ne suis pas chasseur … » ; mais, faute avouée sera à moitié pardonnée, surtout que notre député-non-chasseur se révèle être quand même un ardent défenseur de la chasse (« … mais je répète régulièrement que je défends la chasse comme une tradition. ».

La chasse,  pour ceux qui « en sont », ce n’est pas seulement une question de « terroirs » (les mauvaises langues – mais je ne serai pas de celles-là ! – pourraient dire de « terriers » …). La chasse, c’est, avant tout, une « tradition », transmise de père en fils.

[le député de la   4ème  circonscription  de  la  Somme.] J’ai été élevé dans un village de trente-cinq habitants. J’ai toujours chassé, avec mon père, puis seul. […]
Dans un petit village, dans un petit territoire, il est rare de tirer un coup de fusil dans la journée, mais on rencontre les copains, les amis, on se retrouve le soir. C’est cela aussi la convivialité et le mélange social dont l’un d’entre vous parlait tout à l’heure. C’est important
.

La chasse, c’est …  une affaire de « racines ». ( « La chasse fait partie des racines de la plupart d’entre nous dans cet hémicycle.»). Et cela fait du bien de se sentir soudé, de partager quelque chose ensemble . Lyrique, un autre député dira : « Une France sans chasseurs, ce serait comme un ciel sans étoiles. » ; faut-il prolonger son propos et dire qu’une Assemblée nationale sans députés-chasseurs ne serait qu’un pâle et morne reflet de la France profonde ?

 

Le sport

Le sport, lui aussi,  sert de point  de ralliement  (« Soit dit entre nous, c’est-à-dire entre sportifs dans cet hémicycle» …)

C’est ainsi que le lecteur attentif des JO Débats  aura la surprise de découvrir en direct les résultats de tel ou tel match (de football, en l’occurrence).

– Député 1.  J’ai une mauvaise nouvelle à vous annoncer : Lens est mené 1 à 0  …
– Député 1 [rapporteur].  Il faut faire une minute de silence ?
– Député 1.  …   Mais j’espère qu’il va égaliser !

Au-delà de cette irruption impromptue de l’univers sportif dans  « cet hémicycle » – qui, décidément, n’ignore rien des passions, des joies et des déceptions quotidiennes de nos concitoyens ! –  le sport  fournit fréquemment  l’occasion d’échanges, tous plus animés les uns que les autres.

  [moment  d’assemblée] : à propos de rugby … et en l’honneur
des  « molosses » et des « colosses » 

– Député  1 [majorité].  Voilà au moins un point sur lequel nous sommes d’accord !
– Député  2 [opposition].  Le rugby aussi nous rapproche.
– Le président.  Mes chers collègues, ne parlez pas de rugby, sinon je vais m’en mêler et ce n’est pas mon rôle !    
– La ministre. J’arbitrerai !
– Le président.  Comme le faisait votre père [1], madame la ministre.

– Député  1. Je note d’ailleurs que c’est le football qui est tout particulièrement concerné [par la violence dans ou autour du stade]. Il y a deux stades dans ma circonscription. Or, au stade Jean Bouin où se retrouve un public de molosses, de joueurs de rugby, il n’y a jamais d’incident comme au Parc des Princes.
– Député  2. Vous stigmatisez les rugbymen !
– Député  1. Non, au contraire !
– Député  2. Vous les traitez de molosses ! (Rires.)
– Député  1. Je voulais dire « colosses » ! […]
– Député  3. Je suis ravi – et mon épouse en sera très satisfaite aussi – que, en tant que troisième ligne de rugby je puisse désormais être considéré comme un « molosse » ou un « colosse » ! (Sourires.)

Il faut dire qu’ils ne sont pas chauvins pour deux sous, nos députés ! …

– Député 1 [de l’Essonne]Vous ne parlez que du Paris-Saint-Germain …
– Député 1 [de la Seine-saint-Denis]. En plus, ils sont nuls ! (Sourires.)

– Le ministre. Monsieur G. [député de Haute-Corse]  a dit des choses intéressantes et certaines d’entre elles étaient justes. 
– Député 1 [« Monsieur G. »] Il arrive que l’on tire contre son camp ! C’est comme cela que Bastia perd contre le PSG ! (Sourires.)

– Député 1  [de Guadeloupe]. Nous sommes de grands sportifs outre-mer, et nous avons des résultats. […]     Peut-être que, dans votre région, le sport n’est pas considéré et qu’on ne le pratique pas, mais en Guadeloupe, outre-mer, c’est une activité saine qui contribue au dynamisme de nos populations.
– Le  rapporteur [député de l’Yonne]. Et l’A.J. Auxerre ?
– Député 1. Il est de plus un facteur de création d’emplois.
Le rapporteur. Mon équipe de football a gagné la coupe de France, cher collègue !

– Député 1. Reprenez les chiffres officiels et vous arriverez à la même conclusion que moi.
– Député 2.  [lui aussi député de l’Yonne].  Non !
– Député 1. Bientôt, vous allez me dire qu’Auxerre a gagné... (Sourires.)  Tel n’est pas le cas, malheureusement ! Arrêtez de soutenir l’impossible, monsieur S.

 

… Dieu le leur pardonne : il paraît que ce sont là des marques de solidarité « entre sportifs dans cet hémicycle» !

Et même qu’en cherchant bien dans le passé, nos députés arrivent à trouver des références communes  qui ravivent la mémoire collective et font chaud au cœur !

[Un député du Val-de-Marne … natif des Pyrénées.]  Aussi loin que l’on remonte dans les annales, on ne retrouve pas d’exemple d’une telle intolérance de la population française à la chaleur [2] sinon on ne garderait pas de l’année 1947, comme seuls souvenirs, la qualité du vin … et le triomphe de Jean Robic dans le Tour de France  [3]. (Sourires.)

Ainsi donc, des courants transversaux [4] traversent l’Assemblée, qui n’ont rien à voir avec les appartenances politiques des uns et des autres et qui, tout autant que les jeux de yo-yos, jeux de rôles et autres affrontements, agitent – pour le meilleur ou pour le pire – les bancs de l’hémicycle et donnent  du piment, de la couleur, de la gouaille aux débats.

L’Assemblée, ce n’est pas seulement  une lieu où se confrontent des forces politiques, mais aussi une petite société traversée de multiples réseaux plus ou moins visibles, plus ou moins inattendus. En-deçà du discours programmé,  au-delà de la compétition revendiquée, d’autres logiques sont à l’œuvre : des affinités apparaissent, des solidarités se développent.

 

Solidarités professionnelles

Ce peut être, par exemple, la profession exercée par les députés avant leur élection qui constitue un point de ralliement et d’ancrage de solidarités trans-partisanes : on aime bien se retrouver entre juristes, entre médecins, entre chefs d’entreprises.

L’un – juriste de profession – dira …
Il est bon de se retrouver entre juristes de temps à autre, cela fait du bien ! (Sourires.)

… et l’autre s’excusera presque d’intervenir alors qu’il n’est pas juriste.
Monsieur le président, vous excuserez cette façon un peu cavalière de présenter mes amendements. […] Je ne suis pas un juriste, je suis simplement un acteur de terrain qui essaie de résoudre par la loi des préoccupations quotidiennes.

Il en va de même chez les députés-médecins …

– Le ministre. On voit bien qu’il faut associer davantage la société civile [aux débats sur la bioéthique] . Je le dis presque avec un brin de malice, car je ne peux m’empêcher de remarquer que la plupart de ceux qui sont intervenus à la tribune ce soir [il les cite nominativement.] , sont médecins ou chercheurs.
– Député 1 [flatteur].   Ou professeur, comme le président de la commission.
– Le ministre. Ceux que je n’ai pas cités, et qui ne sont donc pas médecins à ma connaissance…
– Député 2.  Excusez-nous !  (Sourires.)

 

Solidarités liées à l’âge

Il est aussi des solidarité liées à l’âge  («  J’ai trouvé l’intervention de monsieur B. un peu longue … et un peu  « capillotractée  » » ; il me pardonnera cette insolence puisque nous partageons les mêmes soucis capillaires. (Sourires.)  ») …

… ou, plus précisément, à l’ancienneté dans la fonction de députés. Qu’ils soient de droite ou de gauche, qu’ils aient été élus dans la majorité ou dans l’opposition – le plus souvent, ils ont connu les deux situations (« Une majorité, çà va, çà vient ! ») – ceux qui ont passé de longues heures en séance se connaissent  et, souvent même s’apprécient, même s’ils ne sont pas du même bord, du même camp. Et, malgré la moyenne d’âge de ladite Assemblée, cela peut donner une ambiance … « bon enfant » !

– Député 1 [opposition].  Vous le savez d’ailleurs très bien, monsieur E., car vous êtes un vieux parlementaire. [Exclamations sur les bancs de la majorité.]
– Député 2 [majorité]. Il est jeune !
– Le président. Ce n’est pas l’état civil qui est en cause, monsieur E. (Sourires.)  […]
– Le ministre  [flatteur].  J’ai un certain nombre d’exemples sous les yeux qui montrent  même qu’on est encore plein de vigueur à cet âge. (Sourires.)

 [Moment d’Assemblée] :   « Nous sommes de vieux parlementaires … »

 [Il est question d’un amendement déposé par un député de la majorité et visant à  attribuer de nouveaux crédits pour la promotion de la francophonie.]

– Député 1 [majorité/rapporteur].  Deux solutions sont possibles. Ou bien nous avons un engagement très clair du ministre portant sur une somme, ce qui risquerait de déflorer un tant soit peu une annonce que Bercy pourrait vouloir réserver à une date ultérieure.
– Député 2 [opposition].  Rassurez-vous, Bercy est indéflorable ! (Sourires.) […]
– Député 1.  Mais on peut aussi choisir un mécanisme plus compliqué, en votant cet amendement aujourd’hui. […]. Nous devons prendre nos responsabilités. Nous sommes de vieux parlementaires, monsieur le ministre (Sourires)…
– Député 3 [opposition].  Pas tous !
– Député 4 [opposition]. D’anciens parlementaires !
– Député 1.  … qui nous nous sommes déjà fait avoir plusieurs fois. Il nous faut du solide ! […]
– Député 2. Nous sommes peut-être d’anciens parlementaires, [monsieur le rapporteur], mais vous témoignez d’une certaine fraîcheur d’esprit. Imaginer que l’on puisse déflorer Bercy en témoigne ! Celui qui y parviendra méritera, à mon humble avis, le titre d’archange. (Rires.) […]
– Député 3. [Le rapporteur] a expliqué tout à l’heure qu’il y avait de vieux députés. Je n’en fais pas partie (Sourires), mais l’auteur de l’amendement, qui est quant à lui un député novice, a complètement tort.

 

Solidarités « culturelles »

Si, en un instant donné – et pour la durée de cet instant – l’hémicycle se partage entre  ceux qui  ont des « soucis capillaires » … et les autres … entre les « anciens » (pas forcément « vieux », mais qui ont de l’expérience et n’entendent pas se faire avoir … encore une fois !) … et les novices (qui n’ont pas tous la « fraîcheur d’esprit » d’un « archange » !) …

… à d’autres moments, la ligne de partage sera …

… entre  ceux qui lisent « Tintin »  …

– Député 1.  L’Assemblée nationale regrette simplement d’avoir perdu le président du club des tintinophiles [Ce dernier vient d’être nommé ministre.], mais nous sommes persuadés que vous en créerez un au Gouvernement. (Sourires.)
– Député 2. Tintin y survivra !

… et ceux  qui s’intéressent à Marguerite Yourcenar ! …

– Député 1[« Monsieur B. » / opposition].  Voilà un homme cultivé !
– Député 2 [majorité]. Nous partageons l’amour du beau langage, monsieur B. !
– Député 1. Comme Marguerite Yourcenar…
– Le président.  Arrêtez de vous féliciter, tous les deux ! (Sourires.)  Même si ce n’est pas fréquent !

… entre ceux qui préfèrent le Lino Ventura des « Tontons flingueurs » …

[moment  d’assemblée] :
à propos  du film  … « Les Tontons flingueurs»

 

– Député[e] 1 [majorité]. Permettez-moi de vous apporter le témoignage d’un maire, celui de Montauban.  Comme le disait Lino Ventura dans Les Tontons flingueurs« On ne devrait jamais quitter Montauban ! » [« Bravo ! »   et applaudissements sur les bancs de la majorité.] […]
– Député 2  [opposition]. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous me permettrez de me tourner vers Mme Barèges pour lui dire que nous sommes certainement nombreux, sinon unanimes, dans cet hémicycle, à apprécier, estimer et vouloir rendre hommage à Lino Ventura.
Mais il ne faut pas oublier – et je me tourne cette fois vers M. le ministre – que dans le même film, Les Tontons Flingueurs, Francis Blanche disait à une personne qui approchait un peu trop de la caisse : « Touche pas au grisbi ! » (Rires.)

… et ceux qui préfèrent le cinéma d’auteur … Mais, alors là, attention ! on est entre cinéphiles, il n’est pas question de se tromper sur le nom de réalisateur !

 [moment  d’assemblée] :
à propos du film  … « La Balade de Narayama »

 [Nous sommes dans le débat sur les retraites. Il est question du travail des seniors.]

– Député 1  [« Monsieur B. » / opposition]. Vous vous rappelez peut-être, mes chers collègues, ce beau film japonais, la Balade de Narayama, de Kurosawa, qui se termine par le choix de la tradition. Vous nous y poussez d’une certaine manière, et avec moins de talent que Kurosawa.
En effet, que se passe-t-il à la fin de ce film ? Une vieille femme, pour ne plus être à la charge de sa famille, finit par convaincre son fils de l’emmener, là haut, dans la montagne, afin d’y mourir. En obligeant au travail forcé rallongé, vous êtes dans une logique qui est certes moins artistique que celle de Kurosawa, mais qui s’y apparente
.

[Plus tard dans le débat.]

– Le ministre. Je souhaite simplement rectifier une erreur de monsieur B. : l’auteur de ce film n’est pas Kurosawa mais Imamura. [Sourires et applaudissements sur les bancs de la majorité.]
– Le président. Monsieur B., on ne va pas lancer un débat sur le cinéma. Connaissant bien ce film, je pense que M. le ministre a raison.

 

Solidarité des fumeurs

Je terminerai cette évocation des réseaux par un sujet qui, dans le groupe-Assemblée, comme dans tous les autres groupes, crée des affinités … et des aversions. Je veux parler du tabac ou, plutôt – car cela correspond davantage au standing de la « maison » –  de la pipe.

[moment  d’assemblée] :
à propos … du commissaire Maigret

 [Nous sommes dans un débat sur le tabac et les jeunes.

Un député [monsieur B.] iconoclaste et provocateur – de la majorité nonobstant – propose  que « les oeuvres faisant directement ou indirectement la publicité ou la promotion de marques de produits du tabac [ne puissent pas] bénéficier des dispositifs publics de soutien à l’industrie cinématographique. »]

– Le président. Cela ne concerne pas la pipe ? (Rires.)  Je pense au commissaire Maigret…
– Député 1.  Bon réflexe, monsieur le président !  Si cet amendement avait eu force de loi, nous n’aurions pas, dans notre patrimoine cinématographique, des séries comme Maigret qui font effectivement l’éloge de la pipe. (Sourires.)  J’invite donc monsieur B. à retirer son amendement .

Il y a de la connivence dans l’air. Entre fumeurs de pipe – comme c’était le cas entre députés-chasseurs ou députés-sportifs – on échange  rires et sourires. On est fiers de se reconnaître comme étant quelque part du même « monde » : le calumet de la paix en quelque sorte ! Il y a tellement d’occasions de s’affronter qu’il vaut mieux se laisser aller à ces instants de grâce … même si cela doit contrarier l’ardeur réformatrice de ceux qui, ne faisant  pas partie de la confrérie, cherchent à trouver des solutions aux problèmes que pose l’utilisation du tabac  !

 [moment  d’assemblée] :
« Moi je réfléchis, et je fume ! »

– député 1. On peut effectivement réfléchir, madame, à la question du remboursement de ces produits de substitution pour aider les fumeurs à s’arrêter. Mais je veux dire simplement qu’un fumeur qui réfléchit un tant soit peu…
– député 2. Moi je réfléchis, et je fume ! (Sourires.)  …
– Le président. Vous avez bien de l’énergie, à une heure du matin !
– député 2. … et quand on m’interdira de fumer, je fumerai encore !

[1] Il s’agit de M. Alliot-Marie.

[2] Le député fait allusion à  la canicule de l’été 2003.

[3] Jean Robic, coureur  originaire de Bretagne, remporta ce Tour de France sans avoir jamais porté le maillot jaune.

[4] à ne pas confondre avec les « transcourants » socialistes

[i]