Le respect des engagements est-il la clé de voûte de la démocratie ?

Une promesse, çà se tient » … vérité d’évidence … B.A.BA. de la démocratie : sans aucun doute !
Et pourtant … une telle affirmation pose autant – sinon plus – de questions qu’elles n’en résout.

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1) les engagements de qui ? 2) où sont consignés les engagements ?
3) quel est le contenu réel des engagements ?

page 3 :4) à partir de quand va-t-on considérer que les engagements sont tenus ?5) un programme peut-il prévoir tout ce qui va se passer dans les cinq années du mandat ?6) L’électeur qui a voté pour le programme d’un candidat est-il d’accord avec la totalité des engagements contenus dans le programme ?7) Si tout est dans le programme – dans les « engagements », dans le « mandat », y a-t-il encore quelque chose à débattre ?
Y a-t-il encore besoin de l’Assemblée nationale ?

1) les engagements de qui ?   

Tour à tour, les députés parlent  des engagements qu’ils ont personnellement pris  au cours de la campagne électorale, des engagements de la majorité, des engagements pris par le Président de la République, voire même par le Premier ministre.
Mais, comme le fait remarquer un député de l’opposition, dans le contexte de la Vème  République, les candidats de la majorité se contentent souvent de « monter  sur le porte-bagages du Président de la République en se gardant bien d’indiquer pour quoi ils voulaient se faire élire ». (« Ils ont simplement dit : « Votez pour nous, nous sommes les candidats du Président de la République. » »)

2) où sont consignés les engagements ?  

Le bulletin de vote que je dépose dans l’urne contient seulement un nom. Bien sûr, j’ai reçu à domicile des « professions de foi » ; mais celles-ci brillent souvent par leur caractère général ou, dans le cas contraire, se perdent en propos d’intérêt local ou catégoriel – lesquels propos ne sont pas forcément les mêmes d’un député à l’autre d’un parti donné.
Il y a, au cours d’une campagne électorale, une multitude de déclarations écrites ou orales. Où est le fameux programme sur lequel le député s’est « engagé », sur lequel je lui ai donné mandat d’intervenir en mon nom ?
Par exemple (je pose là une question d’actualité qui va sans aucun doute passionner – et diviser – les exégètes de la pensée sarkozienne !) : la « taxe – carbone » faisait-elle ou non partie des « engagements » (au sens strict) du président ?

 3) quel est le contenu réel des engagements ?  

Dans les débats de 2002, lorsqu’il est question d’« engagements», on trouve pêle-mêle référence à des sujets tels que la diminution de la TVA pour les restaurateurs, la baisse des impôts, la  suppression du jour obligatoire de non-chasse, la  lutte contre l’insécurité, etc.
Tout est-il à mettre sur le même pied ? Qui définit les priorités ? Quand ?
Mais, comme le font remarquer plusieurs députés de l’opposition, une élection  n’est pas un  « contrat devant notaire » !    Ce n’est pas non plus un référendum :
« Les salariés
n’ont pas répondu à un référendum sur les 35 heures. Ils ont élu un Président de la République et des députés. Ce n’est pas la même chose ! »

4) à partir de quand va-t-on considérer que les engagements sont tenus ?  

Le « dire » n’est pas le « faire ».
Les contraintes sont nombreuses qui peuvent changer la nature du projet. Une même coquille peut contenir des réalités très différentes … il peut même exister (Dieu m’en garde !) … des coquilles vides !

5) un programme peut-il prévoir tout ce qui va se passer dans les cinq années du mandat ? 

Notre président est bien placé pour savoir que ce n’est pas le cas :
« Il a fallu, dit-il,  réformer et en même temps affronter une crise comme le monde n’en avait pas connu depuis les années 30. » …
… sans compter tous ces « sujets d’actualité » qui « illustrent » (vous ne trouvez pas que çà fait un peu people !) … son « état d’esprit » ! (sic) …
… sans compter que les décisions – si ce sont vraiment des décisions – produisent des effets … et créent une situation nouvelle (on en  sait quelque chose avec le « bouclier fiscal » !)

6) L’électeur qui a voté pour le programme d’un candidat est-il d’accord avec la totalité des engagements contenus dans le programme ?  

Poser la question, c’est y répondre … et c’est là une source de déconvenue fréquente pour nos hommes politiques.
Lorsqu’il vote, le citoyen-électeur exprime ses attentes, ses idées, ses désirs, … à un moment donné. Or en cinq ans,  notre électeur a le temps d’évoluer. Il n’y aurait donc que quelques mois, tous les cinq ans, pendant lesquels les citoyens pourraient – utilement ?- faire connaître leurs aspirations, leurs volontés.
Serions-nous donc tous – même ceux qui vont, envers et contre tout, déposer leur bulletin dans l’urne chaque fois qu’on leur en donne l’occasion – des « intermittents » de la démocratie ?

7) Si tout est dans le programme – dans les « engagements », dans le « mandat », y a-t-il encore quelque chose à débattre ?
Y a-t-il encore besoin de l’Assemblée nationale ? 

Si l’on considère que, parce qu’un jour les citoyens ont voté – majoritairement – pour un homme, pour un programme, tout est dit, tout est fait, alors, il n’y a plus matière à débat.
Et, de fait,
quand  la « majorité » s’en prend à la « minorité »  qui ose manifester contre la réforme des retraites mise en place pour répondre à la demande de la « majorité »,
quand deux  députés de la majorité interpellent  l’orateur de l’opposition, qui vient d’expliquer pourquoi il ne votera pas la confiance au Gouvernement, en lui disant :
« – Ce n’est pas grave !
« – Nous n’en avons pas besoin !»,
quand  un député de l’opposition – pourtant, lui aussi, «porteur d’une part  de la souveraineté nationale » – s’entend dire :
« Non, vous ne faites pas la loi ! » …    … alors, bonjour l’ennui. !
Pas seulement, l’ennui résultant de l’absence de débat et se traduisant par un manque d’intérêt du citoyen.
Mais un ennui bien plus profond – un « ennui démocratique » (au sens où Viansson-Ponté utilisait ce mot, lorsqu’il écrivait « La France s’ennuie. » ) qui ferait de nous, non seulement des intermittents de la citoyenneté, mais aussi quelque chose comme des pourvoyeurs de voix, des plantes-supports sur lesquelles on grefferait des programmes tout faits.
Bref, l’inverse de la démocratie !