Variations autour du mot « modèle » (français/social)

[à partir des débats 2002-2003]

    Existe-t-il – encore ? – un « modèle français » … un « modèle social » (lequel, évidemment, ne saurait être que « français », « à la française » ? …
En parcourant les débats de l’Assemblée, il est au moins une chose de sûre : c’est que ce « modèle » existe bel et bien en tant que discours.

Mais, un « modèle » … qu’est-ce que c’est ?

… c’est quelque chose d’« unique » (« l’exception française », « l’exceptionnalité française »)
… quelque chose de « spécifique » ( « Il existe une spécificité française »)  …
[en fait, il en existe beaucoup / voir ci-après : »De quoi est fait le modèle français ? »]

…c’est quelque chose « qui fait l’originalité de notre pays, la France »
(une « originalité » qui « n’est pas un handicap », « mais une chance pour notre nation et notre économie ») …

… quelque chose qui « fait partie de notre construction sociale et des valeurs patiemment élaborées » …
… quelque chose qui est « le fruit des luttes sociales »
et qui s’est construit « sur les bases de la solidarité nationale » …
… quelque chose comme « une longue tradition humaniste et progressiste »
qui « imprègne la société tout entière » …

… quelque chose qui peut servir d’« exemple » …
« Il convient de le préserver, de le moderniser, de le développer afin que, dans cet ensemble européen moderne et cohérent que nous appelons de nos vœux, la France soit un exemple. »

… et, en tout cas quelque chose que les autres nous envient …
« Si désormais les citoyens du monde réclament des droits, leurs droits, nos luttes et nos acquis sociaux n’y sont pas étrangers et nous devrions en être plutôt fiers. La France a tout à gagner, en Europe et dans le monde, à rester à la pointe de l’invention sociale. Nous sommes de ceux qui veulent contribuer au rayonnement d’un nouveau modèle social français, moderne et progressiste. »

… mais comme toute « construction » humaine c’est quelque chose de fragile …
« Pour éviter les tentations de remise en cause de notre modèle social, il faut impérativement le régénérer. »

De quoi est fait le « modèle français » ?

Vue d'ensemble

Le modèle français, c’est …

…. « [un ensemble de ]mesures ambitieuses pour favoriser l’accès aux biens communs, à la santé, au logement, à un travail décent, pour améliorer les systèmes de protection sociale, pour éduquer, pour développer la citoyenneté, pour conquérir des droits nouveaux qui deviendront les acquis des générations futures. » …

…. « [un ensemble de ] dispositifs de justice sociale permettant à chacun de se soigner, de se former, de se loger, de travailler, et, finalement, de s’intégrer utilement dans la société » …

Inventaire à la Prévert

Il existe …

…. un « modèle français en matière d’organisation du sport »  …
(qui tient « au rôle important, voire prépondérant, qu’y tient l’État, à la différence des autres pays européens. » …
… mais aussi à ces clubs qui, « dans nos petites communes, forment le creuset où se fabrique un lien social à travers la pratique sportive »)

… un « modèle français d’agriculture » …
(« lequel modèle peut et doit s’imposer par la qualité de ses produits et donc par le dynamisme de sa recherche agricole. »)

… un « modèle français de justice » …
(qui « diffère du modèle américain, où la réponse apportée est systématiquement répressive et où dominent le contrôle social et la prison »)

… un « modèle de gestion de la pierre [et de logement social] » …

… un modèle (« un cadre unique ») « de séparation du sacré et de l’État »
« La France offre un cadre unique de séparation du sacré et de l’État qui fait l’originalité du modèle français : un creuset de catholiques, juifs, musulmans, protestants et autres agnostiques ou athées. »)

… un « modèle français de l’intégration citoyenne » …

… « un modèle français de gestion de l’électricité » …
(On pourrait aussi parler de la gestion du gaz : « L’identité est dans le gaz ! » dira avec humour un député: /
Voir « L’identité française est dans le gaz ! »)

    Mais tous ces éléments ne sont pas à mettre sur le même pied. Et ce dernier exemple nous amène à ce qui constitue l’un des deux piliers du modèle français : le service public (l’autre étant la protection sociale)

Les deux piliers du « modèle français »

    le « service public « à la française »

« Les services publics font partie de notre construction sociale et des valeurs patiemment élaborées depuis un siècle, avec leurs corollaires : égalité d’accès, continuité, adaptabilité

« En France, le service public n’est pas seulement un concept juridique, une administration de services ou une idée.
C’est une véritable conception du lien social.
Il exprime la responsabilité de tous envers chacun, et de chacun envers la nation.
Le modèle français de service public correspond à une aspiration pour que les activités qui se trouvent au cœur de la solidarité nationale soient effectivement au service du public
. »

Le service public, c’est …

… « la seule garantie de l’égalité, de la qualité sans considération exclusive de rentabilité, de la sécurité de notre approvisionnement et de nos installations énergétiques » …
… « la seule façon de garantir que les trains arrivent à l’heure, que l’électricité et l’eau soient fournis dans chaque foyer à un prix abordable » …
… « la seule façon de garantir que l’on prend en compte l’intérêt général par l’expression de la solidarité nationale » …

    la protection sociale « à la française »

« Notre modèle social [est] fondé sur la justice sociale et l’intervention des pouvoirs publics pour assurer la cohésion. »

« Notre système de protection sociale constitue un pilier essentiel de notre modèle social. Nous sommes tous ici convaincus, mais il semble utile de le rappeler, qu’il est un instrument essentiel de la réduction des inégalités et de la lutte contre les exclusions.
De même, doivent être réaffirmés les principes de l’accès aux soins pour tous et, plus généralement, de la prise en charge des aléas de la vie
. »