Le vocabulaire du destin et de la fatalité

Il est souvent question d’une « spirale »,  d’un « cycle vicieux »,  d’un « cercle générateur de violence » qu’il faut « casser » … du « moteur anémié et entravé (de l’économie française) » qu’il faut « relancer » … de « verrous » qui  « paralysent  notre pays » et qu’il faut « faire sauter » … des retraites (ou de l’APA) qu’il faut à tout prix « sauver » … Il est question – déjà ! – de la « lancinante question  de la dette publique » … et de la non moins lancinante question de la « réforme de l’État » (dont on parle « depuis si longtemps » et qui n’a – pas encore ! été mise en œuvre de façon suffisante » ).

Il est dit qu’il faut … « en finir » – « à tout jamais » … « définitivement » avec l’économie administrée … « mettre un terme à » cette « désastreuse » logique d’emplois assistés par l’État. Il est dit qu’il il faut « libérer » l’agriculture du « carcan » dans lequel on (la gauche) l’a « enfermée ». Il est dit qu’il faut « sortir de » … « de la logique de guichet » … « du modèle de l’assistanat à vie » … « du cycle infernal du chômage ». Il est dit qu’il faut « maîtriser notre destin » si l’on veut « transmettre aux générations futures »  un pays qui soit  « autre chose qu’un hypermarché au milieu de ruines sociales ». Il est dit  qu’il faut combattre le « terrible sentiment de fatalisme ».

Mais, en même temps, il est  question de députés qui seraient « en train d’inventer l’eau chaude » (« Simplifions davantage ! Arrêtons de penser que nous sommes en train d’inventer l’eau chaude ! » ) … et d’autres députés qui, « comme Sœur Anne », scrutent l’horizon (« Nous ne voyons rien venir ! »). Il est dit, à propos des aires de stationnement pour les gens du voyage, que « cela fait trente ans qu’on se renvoie la patate chaude ».Il est question, à propos de certaines dispositions de la loi sur la bioéthique ,  d’un « chemin de bonne volonté » qui semble s’être transformé en « cul-de-sac »

Il est question, (à propos de la  « complexité administrative ») d’un « serpent de mer toujours dénoncé, mais jamais terrassé » : …  ou (à propos de la loi-programme sur l’outre-mer) du « monstre du Loch Ness » …ou encore (à propos de l’insécurité) d’une « hydre aux têtes toujours renaissantes ». ( En plus réjouissant – mais l’idée est la même – il est fait allusion aux Shadocks : « D’un côté, on pompe les impôts ; de l’autre, on octroie des subventions. » )

Les députés n’ont de cesse d’inscrire leurs débats dans une perspective historique, tant il est vrai que « cette Assemblée a une histoire ». Tel débat « ramène à une histoire » ( « qui restera tragique pour notre pays » ) … tel autre « est l’aboutissement d’une histoire ».  Et gare à ceux qui veulent « faire tourner la roue de l’histoire à l’envers » !