L’arrivée de Laurent Fabius à la tête du Gouvernement est tout à la fois le signe et l’outil d’une transformation du discours et de la pratique du PS.
Le PCF a coupé les ponts : c’est à lui qu’il reviendra, de temps à autre, de raviver les braises mourantes d’un état de grâce oublié.
La querelle de l’enseignement privé, de par la volonté de Mitterrand, est définitivement abandonnée et le Gouvernement, sous l’égide de Michel Rocard – alors ministre de l’Agriculture -, s’apprête à célébrer de conviviales agapes en l’honneur de la reconnaissance de l’enseignement agricole privé.
Dès octobre 1983, Laurent Fabius, qui était alors -seulement – ministre de l’industrie et de la recherche, concluait son intervention sur la politique industrielle du Gouvernement en ces termes :
« Ce que nous faisons aujourd’hui pour la formation, la recherche, l’innovation l’exportation est, en tout état de cause, indispensable. Ne pourrions-nous, au moins sur ce terrain, trouver un point de rassemblement. »
Entreprise … épargne … Investissement … Profit … Initiative économique … Redéploiement …
… tels sont les mots « porteurs » à l’ère Fabius. Ce ne sont pas des mots nouveaux, mais aujourd’hui, ils s’écrivent en majuscule.
Tout le discours se réorganise autour d’eux.
Qu’il s’agisse de l’enseignement, des industries agro-alimentaires, des exploitations, de la filière bois – et même de l’administration – le projet de budget agricole 1985 est, lui aussi, tout imprégné de l’idée de modernisation.
En cette fin d’année 1984, la situation de l’agriculture est ambivalente.
Les résultats sont bons : le revenu augmente de 1,5 p. cent; mais les écarts ne cessent de se creuser entre ceux qui profitent de la modernisation et ceux qui en sont exclus. De nombreux agriculteurs ne peuvent même plus payer leurs cotisations sociales.
L’accord de Dublin apporte de nettes améliorations au marché du vin, mais ce n’est pas suffisant pour désamorcer le refus de l’élargissement.
Mais 1984 restera, surtout, dans la mémoire des agriculteurs comme l’année des quotas laitiers.
Bien sûr, ils ne paieront pas de pénalités pour cette année …
… bien sûr le Gouvernement a mis en place des dispositifs de protection …
Mais, les quotas – au-delà de rupture qu’ils représentent sur le plan des marchés – sont ressentis par les agriculteurs comme une remise en question de leur fonction nourricière, comme la fin d’une période d’abondance :
l’agriculture ne serait plus ce « réservoir sans fin » que chante le poète … A moins qu’elle ne sache s’adapter à ces « âges nouveaux » !…
« Souvenez-vous des vers composés par Péguy pour sa célèbre présentation de la Beauce à Notre-Dame de Chartres :
« Deux mille ans de labeur ont fait de cette terre un réservoir sans fin pour les âges nouveaux. »
Puisse le Gouvernement ne pas briser, à coups d’idéologie, ce réservoir millénaire. » (E.HAMEL)