2003/retraites : chronique du débat au jour le jour

J13  25 juin )
la pension de réversion : « pension » ou « allocation » ?

VUE D’ENSEMBLE

 Article 19 : indexation des pensions sur les prix

La réforme Balladur de 1993 a supprimé l’indexation des pensions sur les salaires. Depuis, nous explique Denis JACQUAT (porte-parole de l’UMP dans le débat) , le montant de la pension « est déterminée chaque année par le projet de loi de financement de la sécurité sociale », « ce qui – ajoute-t-il- n’est plus acceptable, car les retraités n’ont aucune visibilité sur l’évolution de leur retraite. » En conséquence de quoi, cet article définit une « règle claire », « qui garantit le pouvoir d’achat » : l’indexation sur les prix.

Telle n’est pas – évidemment – la façon de voir des députés communistes :
« Cet article pourrait s’intituler « L’indexation des pensions sur les prix ou comment s’appauvrir en vieillissant «  » [J.DESALLANGRE] , car il « n’a qu’un objectif : programmer la paupérisation progressive des retraités. » [M.VAXES]
« Vous voulez passer les retraites à l’essoreuse pour le bon plaisir de M. Kessler et de quelques autres patrons, comme ceux d’AXA et consorts .» [J.P.BRARD]

Incidemment, d’ailleurs, le rapporteur, Bernard ACCOYER, laisse entendre qu’il pourrait bien y avoir une autre raison à cet article que la « garantie du pouvoir d’achat » :
« Si l’indexation sur les salaires […] était maintenue, c’est un déficit de 16 milliards d’euros supplémentaires que le seul régime général devrait assumer en 2020. Notre seul objectif est de sauver les retraites. C’est ça, pour nous, l’intérêt général ! »

 Article 20 : modalités de rachat des cotisations.

 Denis JACQUAT :
« Compte tenu des perspectives d’allongement de la durée d’assurance nécessaire pour l’obtention d’une pension de retraite à taux plein, il paraît justifié d’élargir les possibilités pour les assurés de remplir cette condition par un rachat volontaire de périodes n’ayant pas donné lieu à un versement de cotisations ou ayant donné lieu à un versement insuffisant. »
Concrètement : est ouverte à un assuré social la possibilité de racheter des années d’étude pour compléter sa retraite, dans la limite de douze trimestres.
Réaction des députés communistes :
« En fait, vous essayez de résoudre le problème suivant : comment atteindre quarante, voire quarante-deux années de cotisation, pour prétendre à une retraite pleine lorsqu’on a commencé à travailler à vingt-quatre ans, voire plus tard ? […]»
mais, en fait, cette possibilité de rachat « est profondément inégalitaire et sera quasiment inaccessible aux salariés les plus modestes [et] totalement prohibitif pour les plus bas salaires. Comment concevoir que, dans notre pays, les salariés aux faibles revenus, les précaires, parmi lesquels on compte un grand nombre de femmes, puissent racheter sur trois ans des cotisations dont le montant varie entre 7 000 et 10 000 euros ?. » [J.DESALLANGRE]

Jean-Pierre BRARD, quant à lui, fait une proposition alternative :
« Il aurait donc été conforme à l’esprit de justice, mais évidemment pas à l’article 40 de la Constitution, de faciliter le rachat des cotisations pour les petits salaires par un mécanisme de franchise ou par un barème progressif en fonction du niveau de salaire des intéressés.
Une telle mesure serait conforme au principe de solidarité nationale et permettrait de préserver un peu le niveau des petites pensions que votre réforme va sévèrement amputer d’une manière générale. »

François FILLON n’est pas d’accord avec cette proposition :
« Nous sommes dans un système contributif et par répartition, où la notion de rachat ne peut être généralisée. Le rachat doit donc rester une exception. […]
Il ne faut pas oublier que, dans un régime de répartition, ce sont ceux qui travaillent qui paient les retraites. Les ouvriers devraient payer pour les cadres si l’on était trop ouvert à des rachats à coûts préférentiels et sur des périodes trop longues.
Il faut trouver un juste équilibre.
 »
Pascal TERRASSE, pour le PS, considère, lui aussi, que cette disposition est « peu compatible avec les règles de bonne gestion des régimes par répartition, qui s’accommodent mal de mesures facultatives », et « il risque de favoriser certaines catégories de personnes disposant des moyens financiers leur permettant d’utiliser ce mécanisme ». « Néanmoins, ajoute-t-il, il faut tenir compte des positions plutôt favorables exprimées par une grande partie des partenaires sociaux. C’est pourquoi le groupe socialiste s’abstiendra sur l’article 20

 Article 21 : amélioration du régime de la retraite progressive

 François FILLON :
« Ce dispositif devrait faire l’objet d’un assez large consensus, puisqu’il s’agit au fond de passer du « tout travail » au « tout retraite » de manière progressive. […]
En fait, la principale innovation de cette disposition consiste à ouvrir la possibilité d’une retraite progressive à des personnes qui ne remplissent pas la condition des 160 trimestres cotisés. Au demeurant, c’est parce que cette possibilité n’existait pas que cette mesure était si peu utilisée. »
André CHASSAIGNE [pour le PC] :
« Nous ne nous opposons pas au régime de la retraite progressive. Mais, là, vous changez la donne. […]
La retraite progressive assouplie, en effet, ne concernera que les retraités qui ont des carrières incomplètes. […] C’est une autre façon de multiplier le travail des salariés âgés. […]
Par ailleurs, cet article est encore un prétexte pour introduire votre sacro-sainte surcote –  » couvrez ce sein que je ne saurais voir « » ! (Exclamations sur les bancs de l’UMP.)C’est une incitation à travailler plus longtemps pour bénéficier d’une meilleure pension. Vous cherchez en fait à faire rentrer tout le monde dans le rang

 Article 21 et 22 : amélioration de la pension de réversion
et suppression de l’assurance veuvage

 Avant la loi de 2003, les veuves de plus de cinquante-cinq ans percevaient une « pension de réversion » et les jeunes veuves une « allocation veuvage ».
Cette « allocation veuvage » était financée par une cotisation de 0,10 % sur l’ensemble des salaires ; elle était versée pendant deux ans. Elle était, en quelque sorte, « une roue de secours, plus spécialement pour les jeunes » [M.F.CLERGEAU/PS]
La « pension de réversion » était soumise à plusieurs conditions, notamment l’obligation d’être âgé d’au moins 55 ans ( en-dessous, on avait droit à l’allocation veuvage) et d’avoir été marié au moins deux ans pour les couples mariés sans enfant.
Le dispositif proposé par le Gouvernement – et qui sera voté par l’Assemblée – supprime la plupart des conditions d’attribution. Dorénavant, la seule condition d’attribution sera une condition de ressources qui prendra éventuellement en compte celles du ménage pour les veufs ou les veuves remariés.

La question est très technique et je n’entrerai pas dans les détails.
Mais je reviendrai sur le débat sous-jacent : la « pension » (de réversion], telle qu’elle est mise en œuvre dans le projet de loi n’est-elle pas une « allocation ». Même si on n’a pas changé le mot, n’a-t-on pas modifié en profondeur le système ? Et, si c’est le cas, cette modification ne révèle-t-elle pas une tendance – subliminale, certes, mais réelle – à faire de la retraite un viatique de survie pour le vieux travailleur ? (Voir ci-après)

 Après l’article 22 :
majoration de la durée d’assurance
pour les femmes ayant élevé un enfant
( amendements relatifs aux parents d’enfant handicapé)

« Après l’article 22 » sont votés trois amendements (un record !) :
Le premier amendement concerne toutes les femmes assurées sociales ayant élevé un enfant : pour elles, la durée d’assurance est majorée d’un trimestre pour toute année durant laquelle elles ont élevé un enfant, dans la limite de huit trimestres par enfant.
(Jusqu’à présent, la majoration n’était accordée qu’aux femmes ayant élevé un enfant pendant au moins neuf années, ce qui pénalisait celles qui ont perdu un enfant en bas âge.)

Les deux amendements suivants concernent les parents d’enfants handicapés.

Ces derniers bénéficieront d’une majoration de la durée d’assurance (un trimestre par période de 30 mois dans la limite de huit trimestres par enfant handicapé élevé) .
De plus, les parents restant au foyer pour élever des enfants handicapés bénéficieront de l’assurance vieillesse.
Il s’agit là d’apports substantiels au projet de loi initial. Le fait est tellement rare qu’il mérite que l’on s’y attarde un peu.

Petit retour arrière :

Dans un premier temps, la commission ad hoc s’est intéressée aux problèmes spécifiques que rencontrent, en matière de retraite les assurés ayant à leur charge un enfant ou un conjoint handicapé.
Elle vote – à l’unanimité (là aussi, le fait est suffisamment rare pour mériter d’être souligné !) – trois amendements : les deux mentionnés ci-dessus et un autre visant à augmenter de 10% les pensions de retraite versées aux parents d’enfants lourdement handicapés.
Ces trois amendements sont passés sous le couperet de ce fameux « article 40 » interdisant de mettre en débat des amendements impliquant une augmentation de charges ( on appelle çà, le « parlementarisme rationalisé » et, dans ce débat sur les retraites, on compte 2000 amendements ainsi « rationalisés », c’est-à-dire passés à la trappe / voir j03_12-juin-2003/ ambiances !).
Mais ministre – qui, lui, est sans aucun doute, plus « rationnel » que le Parlement ! – a le droit de reprendre à son compte les amendements retoqués.
C’est ce que fait François FILLON pour les deux premiers. Mais il refuse de prendre en compte le troisième.

Explications de l’intéressé ( FILLON ):
« Le Gouvernement a décidé de reprendre à son compte la mesure relative à la majoration de la durée d’assurance. En revanche, il n’a pas repris celle relative à la majoration de 10 %. Pourquoi ?
Si le Gouvernement a accepté la majoration de durée d’assurance, c’est qu’elle constitue une compensation directe des perturbations que peut provoquer le handicap de l’enfant dans la vie professionnelle de ses parents. Elle leur permettra de quitter plus tôt la vie active en diminuant le nombre de trimestres qu’ils devront valider pour une carrière complète.
La bonification de pension s’apparente, elle, à un salaire différé. Or c’est au moment où ils doivent s’occuper de l’enfant handicapé que ces parents ont le plus besoin d’une aide directe, aide qui doit se concrétiser par la faculté soit de dégager du temps pour s’occuper eux-mêmes de l’enfant, soit de faire appel à des personnes qui pourront les relayer.

( Et le ministre de détailler les dispositions mises en œuvre – hors dispositif retraite – pour aider les parents d’enfants handicapés : assurance vieillesse des parents au foyer, allocation de présence parentale, réduction d’impôt pour l’embauche d’une tierce personne …)

Mais, ce qu’il faut bien voir, c’est que le ministre n’est pas obligé de reprendre à son compte la teneur exacte des amendements votés par la commission. Et, comme nous l’avons vu souvent, ce sont les chiffres qui font, qui disent la loi ( « Le diable est dans les détails ! », dira – à un autre moment du débat – Elizabeth GUIGOU ) .
Et, en l’occurrence, les députés de l’opposition – tout en se félicitant des « avancées » proposées par le Gouvernement, considèrent que le compte n’y est pas :

« – Pascal Terrasse. Nous assistons en ce moment à la mise en place d’un « faux nez » ! (il s’agit-là, semble-t-il, d’une de ses expressions préférées !)
Que nous dit le Gouvernement ?
Il va, royalement, faire bénéficier les familles qui, pour des raisons liées à leurs enfants, sont obligées d’arrêter de travailler, d’un trimestre tous les trente mois. Voilà en réalité ce que les familles vont gagner, c’est-à-dire absolument rien du tout !

Denis Jacquat.Si !
Charles Cova [UMP]. Ça fait 10 %. ! »
(Et puis, comme le disait un député UMP lors de la séance précédente, « Il faut parfois distinguer le souhaitable du possible. » ! )

 Article 23 : cotisations à taux plein
sur les périodes d’emploi à temps partiel

 Denis JACQUAT :
« L’article 23 a pour objet de permettre à des salariés exerçant leur activité à temps partiel de cotiser pour leurs futures pensions sur une assiette de cotisations correspondant à un emploi à temps plein.
Cette liberté de choix permettra à ceux qui le souhaitent de compléter leurs droits à retraite. Elle répond à une demande extrêmement importante au sein de la population. Par exemple, les assistantes maternelles dont nous avons parlé à maintes reprises bénéficieront de ce dispositif.

Alain VIDALIES (pour le PS) :
« On peut faire deux lectures de l’article 23.
Il y a la lecture optimiste, selon laquelle certains croient encore que les salariés travaillant à temps partiel pourront, de leur propre initiative, cotiser pour l’équivalent d’un temps plein et que le seul fait de prendre en charge le supplément de cotisation salariale entraînerait le versement de la cotisation de la patronale.
Tel n’est pas le cas, évidemment. Cela n’a jamais été prévu. Le texte dispose simplement que, dans le cadre d’un accord éventuel tel qu’il existe aujourd’hui dans des conditions particulières, cette opportunité pourra exister, mais elle reste à l’accord de l’employeur
. »
Jean-Claude SANDRIER (pour le PC) :
« Cette disposition est présentée comme un progrès. Elle n’est en fait que l’occasion, une fois de plus, de maintenir les femmes dans cette forme particulière d’emploi, puisqu’elles les occupent principalement. […] En définitive, vous voulez encourager le mythe du travail féminin d’appoint. »

 Après l’article 23 (1) :
transferts financiers visant à rééquilibrer
le fonds de solidarité vieillesse (FSV)

Je ne voudrais pas embêter le lecteur avec ces « tuyauteries » toutes plus complexes les unes que les autres ; je ne me sens pas capable non plus de dire si, effectivement, c’est la faute aux socialistes si le fonds de solidarité vieillesse connaît des problèmes ( « La gauche a vidé les caisses ! » lance un député UMP … « ce fonds est en déficit pour une grande partie en raison de la montée du chômage » rétorque Pascal TERRASSE !)
Je me contenterai donc de dire que le rapporteur – après avoir accusé les socialistes de « détournements de recettes opérés pour financer les 35 heures et l’APA » , propose un amendement permettant d’actionner un « tuyau retour » … et que le ministre ne suit pas ( « Le Gouvernement ne dispose pas de toutes les données pour envisager de mettre en œuvre les solutions proposées par M. Accoyer. C’est la raison pour laquelle je souhaite le retrait de cet amendement. »

 Après l’article 23 (2) :
amendement PC proposant d’imposer les stock-options

 « – Jacques Desallangre. Je vais parler de l’imposition des stock-options. [Et] je ne suis pas sûr d’emporter l’adhésion. (Exclamations sur les bancs du PC : « Touchez pas au grisbi ! »)
Le projet de loi fait délibérément l’impasse sur les cotisations patronales, et c’est pour remédier à cette lacune que nous vous proposons justement d’imposer les stock-options.
Bernard Accoyer, rapporteur. La commission n’a pas accepté cet amendement.
Jacques Desallangre. Vous me surprenez !– Bernard Accoyer, rapporteur. Il faut cependant préciser que, à la différence de ce qui a été dit, les stock-options ne sont à l’origine d’un revenu supplémentaire qu’au moment où elles sont réalisées. Et elles sont alors frappées par l’impôt sur le revenu, la CSG et la CRDS,…
Jacques Barrot. Exact !
– André Chassaigne. C’est de la rigolade !
[…]
Le président. La parole est à M. Eric Besson.
Eric Besson. Là encore, il est dommage de ne pas entendre le ministre s’exprimer sur le sujet. Nos collègues du groupe des député-e-s communistes et républicains ont le mérite de poser à nouveau la question du financement de la réforme qui – nous avons été nombreux à le dire ici – n’est assuré que pour un tiers environ. Donc, la question d’un financement nouveau est totalement légitime. Mais surtout, on retrouve cette cotisation sociale vieillesse applicable aux stock-options dans beaucoup de pays industrialisés. Ce n’est donc pas particulièrement choquant. […]
André Chassaigne. C’est classe contre classe ! Il faut bien qu’ils défendent leur classe sociale !»

 Article 24 : début du titre III_fonction publique

La campagne de communication du Gouvernement avait fait – au nom de l’ « équité » – du rapprochement public/ privé la pierre d’angle de la réforme.
Il y a eu tout de même 23 articles à discuter avant d’y arriver. C’est dire que ladite réforme concerne bien et le public et le privé.
Mais nous y reviendrons dans les jours qui viennent.

 ANALYSE :

Retour sur pension de réversion :
… et si la droite avait toujours en tête l’idée

d’une retraite allocation pour vieux travailleurs !

 La « pension » (de réversion], telle qu’elle est mise en œuvre dans le projet de loi n’est-elle pas une « allocation » ?
Même si on n’a pas changé le mot, n’a-t-on pas modifié en profondeur le système ?
Et, si c’est le cas, cette modification ne révèle-t-elle pas une tendance – subliminale, certes, mais réelle – à faire de la retraite un viatique de survie pour le vieux travailleur ?

Telles sont les questions que je posais tout à l’heure.
Je préviens tout de suite le lecteur que je n’ai pas une réponse claire et définitive à lui proposer. Je voudrais seulement lui faire partager une intuition – d’aucuns diraient une interprétation, une hypothèse – qui m’est venue en rapprochant le présent débat de celui auquel j’ai déjà fait allusion dans j_06_16 juin.

Je rappelle le contexte :

L’article 2 – dans la version soumise à l’Assemblée – était ainsi rédigé : « Tout retraité a droit à une allocation en rapport avec les revenus qu’il a tirés de son activité. ». Plusieurs députés – dont Martine BILLARD – se sont inquiétés de ce glissement sémantique.
« L’article parle d’allocation, et non plus de pension. Or, nos régimes de retraite par répartition versent effectivement des pensions de retraite, non pas une allocation.
La seule allocation que l’on connaisse dans ce domaine est l’allocation aux vieux travailleurs salariés, appelée aussi minimum vieillesse. »
disait François LIBERI [PC], avant d’ajouter :
« Cela signifie-t-il que les auteurs du projet de loi ont à l’esprit une forme de revenu de remplacement plus proche de la charité publique que d’une réelle prise en compte des besoins des retraités et pensionnés ? »

Mais revenons au débat de l’article 22 et reprenons les choses méthodiquement .

Questions préalables :
qu’est-ce que la « pension de réversion » ?
Quelle est la raison d’être de ce dispositif ?

La réponse des députés à ces questions s’organise autour de deux axes :

1) un axe « solidarité » ou « compensation » :

« Souvenons-nous que notre pays compte plus de quatre millions de personnes veuves, qui vivent dans la détresse morale et ont besoin d’une sécurité financière. » [D.JACQUAT/UMP]
« [La pension de réversion] est la réponse que la société apporte à un accident de la vie qui aboutit à des situations dramatiques et qui concerne aujourd’hui quatre millions de personnes. » [A.VIDALIES/PS]
« Le veuvage constitue un accident de la vie dramatique, difficile psychologiquement, mais souvent aussi financièrement, notamment pour les mères de famille.
En effet, celles-ci doivent continuer à élever leurs enfants, et les charges fixes de la famille demeurent inchangées, alors que les ressources financières baissent le plus souvent de manière très importante. » [Jean-Luc Préel/UDF]

Une variante : la pension de réversion comme « mesure de redistribution, de compensation »

« Si les femmes aux carrières incomplètes ou inexistantes ne perçoivent que peu ou pas de retraite du vivant de leur époux, elles bénéficient en revanche d’une pension de réversion par la suite,
ce qui constitue un mécanisme de redistribution d’autant plus important que leur espérance de vie est plus élevée que celle des hommes, et que, en moyenne, elles ont cotisé moins longtemps que leur conjoint.
« Les femmes sont également les principales pourvoyeuses de l’aide familiale aux personnes âgées de leur entourage : parents, grands-parents, conjoint.
La redistributivité des retraites en faveur des femmes peut donc apparaître comme la légitime contrepartie des services non-marchands rendus au sein de la famille.
 » [A.CHASSAIGNE/PC]

2) un axe « transmission d’un droit acquis »

« La retraite est un droit acquis, un salaire différé » sur lequel « le conjoint survivant a un droit à exercer. » [J.DESALLANGRE/PC]
« Droit de la veuve – ou du veuf – au titre des cotisations payées par le défunt » , la pension de réversion est « calculée en fonction des ressources au jour du décès » ; elle est un droit acquis. » [A.VIDALIES] .
C’est « un droit ouvert par cotisation » [G.COLOMBIER/ UMP].
Plus précisément : une « fraction d’un droit acquis par cotisations » [Jean-Luc Préel] ou « fraction de la pension de retraite que le conjoint décédé aurait dû percevoir» [M.F.CLERGEAU/PS]
Que se passe-t-il avec les modifications proposées ?
« Vous nous présentez l’article 22 comme un moyen de simplifier et d’améliorer l’ensemble du dispositif concernant les pensions de réversion. Pour vous, la simplification consiste à supprimer l’assurance veuvage, tout en maintenant la cotisation qui la finance.
Pour compenser cette disparition, vous permettez au veufs et aux veuves de faire valoir leurs droits à une pension de réversion, quel que soit leur âge et sous conditions de ressources. De plus, celle-ci sera révisable chaque année.
 »

Marie-France CLERGEAU résume ainsi les modifications proposées. Et de conclure :
« Vous créez une allocation différentielle aléatoire, ce qui ne permet pas d’organiser sa vie et est injuste ».

Donc, pour elle, on est passé d’une « pension » « garantie » et « universelle » (en ce sens qu’elle s’applique à toutes les personnes qui sont dans une situation donnée – ici, le veuvage) , à une « allocation » « différentielle » et « aléatoire », « susceptible de fluctuer tous les ans en plus ou en moins, voire d’être supprimée ».

Jean-Luc Préel [UDF]fait la même analyse qu’elle :
« [ La pension de réversion] devient une allocation différentielle, révisable tous les ans en fonction des ressources annuelles du conjoint survivant alors qu’actuellement elle est attribuée une fois pour toutes, par liquidation au moment du décès du conjoint. Ne craignez-vous pas que cette remise en question annuelle ait des effets pervers ? »

Des « effets pervers ? »

« C’est prendre le risque de le voir ne s’appliquer qu’à une proportion de la population tout à fait réduite. » [ M.Vaxès/PC]
« Le conjoint survivant a un droit à exercer. Il ne doit pas entrer dans le champ d’une assistance sociale qu’il ne sollicite pas. » [J.DESALLANGRE/PC]
« La Fédération des associations de conjoints survivants avait souhaité, et je peux le comprendre, que la réversion ne devienne pas une forme d’aide sociale et qu’elle reste un droit ouvert par cotisation.
On ne peut que regretter l’abandon de cette formule qui rompt avec le principe de solidarité nationale. »
[G.COLOMBIER/UMP]

… « Changement d’orientation » ? …
… « Changement d’inspiration » ? …
… « Changement se système » ? …

« Les pays qui ont supprimé des prestations spécifiques de survivants en les fusionnant à une prestation de type allocation ont tous changé implicitement la nature du système. Ce modèle, que vous voulez nous imposer aujourd’hui, va concerner en premier lieu les femmes seules et âgées. Avec votre réforme, la notion de besoin se substitue à celle de risque et à l’objectif de maintien du statut et du revenu. Nous allons donc vers des prestations minimales, versées sous conditions de ressources. [M.Vaxès]

La « pension » …
… une « prestation minimale » (et, qui plus est, « versée sous conditions de ressources » ) …
… une « sorte d’aide sociale
 »
( « la pension se réduisant à une espèce de minimum vieillesse » [A.CHASSAIGNE] )
… « une forme de revenu de remplacement » …
(« plus proche de la charité publique que d’une réelle prise en compte des besoins des retraités et pensionnés »
/F.LIBERI) ? )
… « une sorte de filet de sécurité empêchant de tomber et de sombrer dans la misère » …
…  un « viatique minimal » [le même] ? …

Certes, dans l’article 22, il n’est pas question d’« allocation », mais bien de « pension » de réversion.
Certes, dans l’article 2, François FILLON a préféré, en fin de compte, revenir au terme « pension ».
Certes, dans son discours de présentation de la réforme [j01_10-juin-2003] , il affirme haut et que « la question des retraites », c’est « celle de la justice » (sous-entendu, pas celle de la « charité »).

Mais, quand j’entends ce dernier dire que la pension de réversion « se justifie avant tout pour assurer aux veuves n’ayant jamais travaillé un montant minimal de retraite » , j’ai un doute.
Et je me demande si la première rédaction de l’article 2 (« Tout retraité a droit à une allocation en rapport avec les revenus qu’il a tirés de son activité. ») n’est pas un vrai « lapsus » – c’est-à-dire que cette formulation malheureuse marque l’accès impromptu au niveau du langage et de la représentation de quelque chose d’inavoué … parce qu’inavouable.

« Le Diable est dans le détail ! », disait Elizabeth GUIGOU … Je dirais, quant à moi : « Le Diable est dans les mots » …
Comme le dit le poète (René CHAR), « les mots savent » – disent, révèlent – « des choses que nous ne savons pas d’eux » . Et si la droite – au fond d’elle-même – n’avait pas abandonné ces images, ces idées, ces représentations d’une masse de travailleurs qu’il faut bien nourrir, payer, aider … pour qu’elle continue à travailler le plus longtemps possible et qu’elle ne se révolte pas ? (« Martine B. » : « On est sorti de l’esclavage ! Dorénavant, pour les faire travailler, il faut payer les salariés ! »/ j07_17-juin/ « et Martine B. ?)

Et si, pour elle, la retraite – loin d’être un droit, une garantie – n’était qu’une « charge » , un de ces prélèvements coûteux auxquels on ne pouvait pas échapper mais qu’il fallait contenir dans des limites raisonnables pour les tenants du pouvoir et acceptables par le commun des travailleurs ?
Une simple allocation pour vieux travailleurs ?

Vous me direz : François FILLON ne cesse de vanter les mérites de la répartition. Il va même jusqu’à lancer cette phrase : « La répartition, c’est la République. » [Retraites/rétro_journal/j_6/16 juin/ où il est question de savoir ce qu’il y a derrière le mot « répartition »] …
… mais c’est pour mieux te tondre mon enfant … et te vendre les fonds de pension ?
Peut-être ; mais pas seulement. Et si c’était – tout simplement – « parce que je suis le lion » … et que toi, le travailleur, tu n’est qu’un vermisseau – utile certes, mais à condition de ne pas être trop envahissant !

Pour approfondir 
Compte Rendu intégral
 1ère séance du 25 juin 
http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2002-2003/20030264.asp#PG16 
2ème séance du 25 juin 
http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2002-2003/20030265.asp#PG1
pension de réversion 
http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2002-2003/20030264.asp#PG25(début) 
http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2002-2003/20030265.asp#PG2 (suite et fin) 
Rappel/ article 2/ débat « allocation » ou « pension » http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2002-2003/20030247.asp#PG4