j07 ( 17 juin )
Martine Billard défend quatre amendements portant sur les financements alternatifs
Après l’article 2 (caractère « contributif » des retraites), les socialistes défendent l’amendement suivant :
« Notre système de retraite est un système solidaire, porteur de cohésion sociale, où chacun cotise, acquiert des droits et où sont prises en compte de façon partagée des situations difficiles.
« Ce principe de solidarité se traduit par des minima de pensions garantis dans les différents régimes d’une part et la compensation démographique d’autre part.»
Martine Billard prend le relais sur ce thème de la solidarité. Elle va défendre quatre amendements dont la discussion va occuper une bonne partie de la 2ème séance
Premier amendement :
il est institué une « contribution sociale sur la valeur ajoutée ».
Deuxième amendement :
il est institué une « contribution sociale sur la valeur du patrimoine ».
Troisième amendement :
il est institué une « contribution sociale sur les revenus financiers ».
Le quatrième amendement
prévoit une « augmentation des cotisations à la charge des employeurs ».
[ L’exposé succinct qui suit vise à mettre en évidence les objections du rapporteur et du ministre. ]
Premier amendement :
il est institué
une « contribution sociale sur la valeur ajoutée ».
« – Le président. La parole est à Mme Martine Billard pour soutenir l’amendement n°77 .
– Martine Billard. [Cet amendement] propose la création d’une contribution sociale sur la valeur ajoutée sur le modèle de la CSG. Son taux ne serait pas fixé par la loi mais par décret, lequel répartirait également les recettes.
Cette nouvelle contribution serait assise sur les excédents bruts d’exploitation dont je rappelle qu’ils ont augmenté de 14,3 % entre 1992 et 1999.
[…]
– Le président. Quel est l’avis de la commission ?
– Le rapporteur[Bernard ACCOYER]. Le simple fait qu’il s’agirait d’un prélèvement de plus, aurait suffi à conduire la commission à rejeter cet amendement.
De plus, notre système fonctionne sur le mode contributif : les cotisations des actifs financent la retraite des inactifs. C’est la définition même d’un système par répartition.
Quand, comme vous, madame Billard, on se déclare favorable à un système par répartition, il faut accepter les règles du jeu.
– Martine Billard. Et la CSG ?
[…]
– Le président.Quel est l’avis du Gouvernement ?
– Le ministre.Les financements proposés constituent d’abord une masse beaucoup plus instable que celle des salaires.
Or notre système de sécurité sociale a besoin d’un financement le plus sécurisé possible.
Ensuite, si cette ressource était utilisée pour financer les retraites, cela risquerait de pénaliser gravement l’investissement, donc la croissance et l’emploi.»
(L’amendement n’est pas adopté.)
Deuxième amendement :
il est institué une
« contribution sociale sur la valeur du patrimoine »
« – Le président. La parole est à Mme Martine Billard pour soutenir l’amendement n°78 .
– Un député UMP. Elle l’a déjà défendu !
– Martine Billard. Non, pas encore.
– Le président. Non, il n’a pas été défendu.
– Jean-Pierre Brard. Ils voudraient la censurer, monsieur le président !
– Martine Billard.L’amendement vise à créer une contribution sociale sur la valeur du patrimoine, autrement dit à faire contribuer, par le biais d’un prélèvement spécial, les personnes physiques soumises à l’impôt de solidarité sur la fortune.
[…]
– Le président.Quel est l’avis de la commission ?
– Le rapporteur. Avec l’amendement de Mme Billard, nous sommes à l’évidence encore dans la création de nouveaux prélèvements et de surcroît dans une fiscalité qui, on le sait participe à la fuite des capitaux et amoindrit les capacités d’investissement de la nation, ...
– Un député communiste. Vous savez bien que c’est faux !
– Le rapporteur. … ce qui est précisément l’un des plus graves problèmes auxquels nous nous heurtons.
Notre principale priorité, c’est de préserver les emplois ou d’en créer à nouveau dans le pays afin justement de nourrir les cotisations sociales et financer les retraites.
Au demeurant, quand bien même Mme Billard parviendrait à mettre son dispositif en application et doublerait le produit de l’ISF, on arriverait à un montant vingt fois insuffisant pour couvrir les besoins de financement à l’échéance 2020.
Voilà pourquoi la commission a rejeté cet amendement.
[…]
– Le président.Quel est l’avis du Gouvernement ?
– Le ministre. Madame la députée, nous ne sommes pas en train de débattre du bien-fondé ou non de l’ISF, mais sur le point de savoir si une taxation de 1 % sur l’ISF permettrait de financer une partie de nos régimes de retraite. Votre proposition n’est à l’évidence pas à la hauteur des enjeux dont nous parlons.
Pour notre part, nous continuons à penser que la retraite doit être financée par les cotisations et non par les impôts.»
(L’amendement n’est pas adopté.)
Troisième amendement :
il est institué
une « contribution sociale sur les revenus financiers »
« – Le président. La parole est à Mme Martine Billard pour soutenir l’amendement n°79 .
– Martine Billard. L’amendement vise à faire également contribuer les entreprises, personnes morales, à la contribution sociale sur les produits de placement et de fixer le taux de cette contribution à 10,35 %, ce qui correspond au niveau de la contribution des salariés au financement de leur retraite. Il en exonère, évidemment, tous les types d’épargne populaire, de façon à ne pas défavoriser tous ceux qui n’ont pas d’autre possibilité d’épargner.
[…]
– Le président.Quel est l’avis de la commission ?
– Le rapporteur. La commission a rejeté l’amendement n° 79 parce que créer des contributions supplémentaires sur les revenus financiers, en particulier sur ceux des entreprises, pousserait évidemment à leur délocalisation, donc à la diminution de l’investissement (Exclamations sur les bancs du PS et du PC.) et au déménagement des sièges sociaux, ce qui conduirait à la régression de l’industrialisation du pays et par conséquent à celle de l’emploi, des cotisations et donc du financement des retraites.
– Jean-Pierre Brard. Affabulation que tout cela !
– Un autre député du groupe communiste. Ils n’ont pas besoin de cela pour délocaliser !
[…]
– Le président.Quel est l’avis du Gouvernement ?
– Le ministre.Madame la députée, nous apprécions tous les deux le professeur Thomas Piketty qui, dans une interview à Radio Classique hier matin, a montré l’inanité d’une telle proposition dans une économie ouverte.
Il a notamment rappelé que les revenus financiers ne représentent que 10 % des revenus des ménages. C’est dire si, là encore, les éléments de l’équilibre de nos régimes de retraites doivent être recherchés autrement qu’en taxant les revenus financiers.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.»
(L’amendement n’est pas adopté.)
Le quatrième amendement
prévoit une
augmentation des cotisations à la charge des employeurs
« – Le président. La parole est à Mme Martine Billard pour soutenir l’amendement n°78 .
– Martine Billard. Cet amendement prévoit une augmentation des cotisations à la charge des employeurs.
Vous parlez de charges mais ce sont des cotisations, une partie étant à la charge des salariés et l’autre à la charge des employeurs, les deux étant sur la feuille de paye, c’est le moins qu’on puisse dire. Je ne vois pas pourquoi ce serait une charge quand il s’agit d’employeurs et une cotisation quand il s’agit des salariés !
– Plusieurs députés UMP.C’est tout de même une charge !
– Martine Billard. Vous pouvez aussi dire alors que le salaire est une charge ! On est sorti de l’esclavage il y a très longtemps (Exclamations sur les bancs de l’UMP.), un certain temps en tout cas, heureusement ! Dorénavant, pour les faire travailler, il faut payer les salariés. Je sais bien que certains aimeraient bien les payer le moins possible.
[…]
– Le président. Quel est l’avis de la commission ?
– Le rapporteur. Cet amendement a été rejeté par la commission. On l’a déjà répété à de nombreuses reprises, tout ce qui crée des charges supplémentaires pour les entreprises … [On l’a tellement répété que je ne juge pas nécessaire de reproduire une fois de plus l’argumentaire.]
[…]
– Le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
– Le ministre.Même avis». [Cela a au moins le mérite d’être bref !]
(L’amendement n’est pas adopté.)
Donc Martine B. a fait « chou blanc».
Pourtant – « avec ma petite voix », comme elle dit – elle est revenue tout le temps à la charge … et s’est même payée le luxe de passer à l’offensive …
(« On est sorti de l’esclavage … dorénavant, pour les faire travailler, il faut payer les salariés. » !) …
… elle parviendra même à faire rire les députés de l’ UMP :
A l’un des leurs qui venait d’apostropher les socialistes (« C’est extraordinaire de voir comme l’opposition stimule votre réflexion et votre imagination. Continuez à réfléchir, on en reparlera dans vingt ans. »)
« Martine B. » réplique :
« Je vous rassure, monsieur G., dans vingt ans, je ne serai plus là. Je suis pour la retraite à soixante ans. » (Rires et exclamations sur les bancs de l’UMP.).
Bien joué !
(Il n’empêche que, lorsque – deux législatures plus tard – Martine Billard, qui entre-temps avait rejoint le Parti de gauche , sera victime d’un découpage électoral sévère, j’aurai quelque regret à la voir quitter l’hémicycle : la façon dont – malgré son isolement – elle utilisait la « tribune » de l’Assemblée pour relayer les attentes des moins fortunés représente, à mes yeux, un exemple de ce que peut – de ce que doit – être un débat d’Assemblée !)
2ème séance
http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2002-2003/20030249.asp#PG14 [et pages suivantes]
amendements de Martine Billard
http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2002-2003/20030249.asp#PG18
intervention de Strauss-Kahn
http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2002-2003/20030249.asp#PG24
3° séance
http://www.assemblee-nationale.fr/12/cri/2002-2003/20030250.asp#PG0