.Je reproduis ici des extraits du fameux discours d’Aristide BRIAND, rapporteur du projet de loi sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat – discours prononcé lors de la séance du 3 juillet 1905, juste avant le vote de la loi
» [Nous étions ] désireux de faire accepter la séparation par les nombreux catholiques de ce pays. Nous n’avons pas oublié un seul instant que nous légiférions pour eux et que les droits de leur conscience exigeaient de la loi une consécration conforme à l’équité. C’est dans cet esprit que nous avons entrepris et réalisé cette grande réforme.
Et la loi que nous avons faite […] est finalement, dans son ensemble, une loi libérale.
[…]
Dans ce pays où des millions de catholiques pratiquent leur religion – les uns par conviction réelle, d’autres par habitude, par traditions de famille -, il était impossible d’envisager une séparation qu’ils ne puissent accepter. Ce mot a paru extraordinaire à beaucoup de républicains qui se sont émus de nous voir préoccupés de rendre la loi acceptable »
[…]
Nous n’avons pas le droit de faire une réforme dont les conséquences puissent ébranler la République.
Eh bien ! Je dis que telle que nous l’avons conçue, telle que nous l’avons réalisée, laissant aux catholiques, aux protestants, aux israélites ce qui est à eux,
leur accordant la jouissance gratuite et indéfinie des églises, leur offrant la pleine liberté d’exercer leurs cultes […] sans autres limites que le respect de l’ordre public,
permettant aux associations cultuelles de s’organiser en toute indépendance avec des facultés plus larges que celles du droit commun ;
ne prenant à l’égard des ministres d’autres précautions que celles qu’ils devraient être eux-mêmes les premiers à approuver, s’ils sont réellement guidés par l’intérêt de la religion et non pas par des préoccupations électorales.
[…]
La loi que nous aurons faite ainsi sera une loi de bon sens et d’équité, combinant justement les droits des personnes et l’intérêt des Églises avec les intérêts et les droits de l’État, que nous ne pouvions pas méconnaître sans manquer à notre devoir. […]
Pour cela, sans perdre de vue un seul instant les principes essentiels de la réforme – qui tous ont été respectés – je n’ai pas reculé devant les concessions nécessaires.
[…]
Maintenant, messieurs, permettez-moi de vous dire que la réalisation de cette réforme qui figure depuis 34 ans au premier plan du programme républicain aura pour effet désirable d’affranchir ce pays d’une véritable hantise sous l’influence de laquelle il na que trop négligé d’autres questions importantes, d’ordre économique ou social […]. La réforme que nous allons voter laissera le champ libre à l’activité républicaine pour la réalisation d’autres réformes essentielles.
Mais, pour qu’il en fût ainsi, il fallait que la séparation ne donnât pas le signal de luttes confessionnelles ;
il fallait que la loi se montrât respectueuse de toutes les croyances et leur laissât la faculté de s’exprimer librement.
Nous l’avons faite de telle sorte que l’Église ne puisse invoquer aucun prétexte pour s’insurger contre le nouvel état de choses qui va se substituer au régime concordataire. Elle pourra s’en accommoder ; il ne met pas en péril son existence.
Si la vie de l’Églises dépend du maintien du Concordat, si elle est indissolublement liée au concours de l’État, c’est que cette vie est factice, artificielle, c’est qu’alors, en réalité, l’Église catholique est déjà morte. «
In « Les grands discours parlementaires de la III ème République, de Victor Hugo à Clémenceau »/ éd.Armand Colin ( diffusion kiosque de l’Assemblée nationale)
On peut lire aussi :
BRIAND : discours du 3 juillet 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État
laïcité_paroles échappées du débat (Assemblée nationale 2004 )