Auxerre 1904 Extrait de l'intervention d'Emile Combes (concernant les élections municipales et départementales) :
« Messieurs, le système politique en question consiste dans la subordination de tous les corps, de toutes les institutions, quelles qu’elles soient, à la suprématie de l’État républicain et laïque.
Il a pour base, en thèse générale, le principe fondamental de la Révolution, la souveraineté nationale, pour formule dernière et pour conclusion, la sécularisation complète de la société.
La République de 1870 a débarrassé la France de la dernière forme de la Monarchie. Le Ministère actuel entend que la République de nos jours l’affranchisse absolument de toute dépendance, quelle qu’elle soit, à l’égard du pouvoir religieux.
Tous ses actes depuis son avènement au pouvoir ont été calculés vers ce but. C’est pour l’avoir poursuivi avec une opiniâtreté de tous les instants qu’il a ameuté contre lui les tenants de toutes les réactions; de la réaction royaliste, dont le représentant se morfond piteusement dans les intrigues impuissantes de l’exil; de la réaction bonapartiste, qui guette inutilement derrière quelque caserne l’occasion d’un coup de force ; de la réaction nationaliste, qui ne rougit pas de prostituer le patriotisme à la résurrection du pouvoir personnel ; de la réaction cléricale, la plus insidieuse et la plus redoutable de toutes, parce qu’elle est le trait d’union des trois autres et qu’elle déguise sous un masque républicain son projet d’asservissement intellectuel et moral. »
« L’œuvre de sécularisation du ministère »
« Les insolences de la Papauté Messieurs, c’est beaucoup, on en conviendra, pour un Ministère forcé de combattre à tout instant pour son existence propre, d’être parvenu à expulser de notre France les ordres religieux qui aspiraient à la subjuguer. Il nous reste un autre devoir à remplir pour répondre à l’attente du parti républicain, c’est de libérer la société française de la sujétion traditionnelle que font peser sur elle les prétentions ultramontaines. (Vifs applaudissements)
Depuis un siècle, l’État français et l’Église catholique vivent sous un régime concordataire qui n’a jamais produit ses effets naturels et légaux.
Ce régime a été présenté au monde comme un instrument de pacification sociale et religieuse. C’est là, du moins, le caractère conventionnel que ses partisans lui ont gratuitement attribué. En réalité, il n’a jamais été qu’un instrument de lutte et de domination.
Sous les gouvernements autoritaires, comme le premier Empire, l’État s’en est servi pour contraindre le clergé catholique à la soumission la plus humiliante, aux adulations les plus basses, même à un rôle répugnant de policier, en usant contre les ministres des cultes récalcitrants de moyens coercitifs violents. »
[….]
« Sous les gouvernements faibles et timorés, qui se piquaient de pratiquer l’alliance du trône et de l’autel, c’est l’Église qui s’est prévalue du Concordat pour assurer sa prépondérance, en supprimant de fait toutes les clauses des articles organiques qui gênaient son dogmatisme intolérant. La République, n’ayant pour elle ni la crainte résultant des habitudes violentes du pouvoir personnel, ni les bénéfices corrélatifs d’une pieuse docilité, s’est débattue depuis plus de trente ans dans des difficultés inextricables pour régler, conformément au pacte concordataire, les rapports de l’autorité civile et de l’autorité religieuse. Toutes ses tentatives sont demeurées infructueuses. Ses ministres, même les mieux intentionnés, ont du céder finalement, après d’inutiles efforts, ou sentiment de leur impuissance.
On peut dire que, depuis plus de trente ans, le pouvoir ecclésiastique a exploité le Concordat au profit de ses intérêts avec une hardiesse croissante. II l’a audacieusement violé, il l’a violé sans discontinuité dans toutes celles de ses prescriptions qui proclament les droits du pouvoir civil. (Bravos) Et ce n’est pas là, .Messieurs, une affirmation sensationnelle, une thèse de circonstance réservée à dessein pour une réunion populaire. Je l’ai portée moi-même, il y a dix-huit mois, à la tribune du Sénat, en l’appuyant de nombreux exemples, tous plus convaincants les uns que les autres, et le Sénat en a reconnu le bien fondé, puisqu’il a ordonné l’affichage de mon discours. »
[….]
« Vainement, au début de notre Ministère, avons-nous annoncé que nous nous placions sincèrement sur le terrain du Concordat. Vainement, avons-nous déclaré que nous ferions l’essai loyal de ce régime, estimant qu’il serait prématuré et impolitique de l’abandonner avant de l’avoir soumis à une dernière et décisive expérience. Loin de s’arrêter, les violations du Concordat par le pouvoir ecclésiastique ont suivi leur cours habituel. »
[…]
« Ce que devra être le Régime nouveau. »
« Messieurs, je crois sincèrement que le parti républicain, éclairé enfin pleinement par l’expérience des deux dernières années, acceptera sans répugnance la pensée du divorce, et je crois aussi, disons mieux, je suis sûr qu’il l’acceptera, non dans un sentiment d’hostilité contre les consciences chrétiennes, mais dans un sentiment de paix sociale et de liberté religieuse.
C’est aussi sous l’empire du même sentiment que la Chambre abordera la question de la séparation des Églises et de l’État, déjà étudiée avec beaucoup de soin par une des Commissions dont les travaux, heureusement empreints d’un sincère désir de conciliation, serviront de base à une discussion également conciliante et sincère ».
En définitive, COMBES votera la loi de séparation : « Nous votons la loi telle qu’elle est sortie de la Chambre des députés parce que nous avons hâte de mettre fin à la situation officielle des cultes reconnus et de consacrer par une mesure définitive la neutralité confessionnelle de la République française.
Nous la votons aussi, parce que nous la considérons, malgré ses imperfections et ses lacunes, comme une loi de liberté, d’affranchissement moral et de paix sociale. »
(Sénat 3 juillet 1905)
Source
http://www.encyclo89.net/combes01.html
On peut lire aussi :
COMBES_discours d’Auxerre ( 1904 )
sur » la neutralité confessionnelle de la République «
laïcité_paroles échappées du débat (Assemblée nationale 2004 )