Pourquoi tant de bruit ?
Ce projet de loi et le tapage qui l’accompagne constituent en réalité une diversion. Car qu’y a-t-il sous le voile et sous votre volonté de légiférer à propos de l’interdiction de son port ? Il y a une société malade et une politique – celle de la droite – qui ne fait qu’aggraver les choses.
André Malraux prophétisait que le XXIe siècle serait religieux.
Si j’évoque cette pensée, je précise que je ne pratique pas, personnellement, le prosélytisme athée ; le marxisme, du reste, n’est pas un athéisme.
Il faut distinguer deux choses : le sentiment religieux et le besoin de spiritualité, qui sont une quête personnelle du sens que l’on veut donner à sa vie.
La loi garantit d’ailleurs le libre exercice de la pratique religieuse. Et l’article 1er de la Constitution précise que la République « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion » et « respecte toutes les croyances ».
Tout différent devient le sentiment religieux lorsqu’il s’apparente à une manifestation et un engagement politiques et prétend donc, à ce titre, organiser la société. C’est bien à quoi tendent les intégrismes religieux et les communautarismes.
Avec nos textes fondateurs, nous disposons de tout ce qu’il faut pour défendre notre principe de laïcité, c’est-à-dire, en particulier, d’égalité de tous les citoyens.
Mais ce qui nous manque, ou plutôt ce qui manque à celles et ceux qui aujourd’hui trouvent dans la ferveur religieuse ce que la société ne leur offre pas, c’est de l’espoir et du sens.
Le capitalisme règne en maître sur le monde et il ne se dégage aucune alternative « visible », pour ne point dire « ostensible » à cette société-là.
Julien Green écrivait à juste titre :
« Nous vivons sur une planète dangereuse[…]. La religion est là pour l’aider à supporter sa condition. Si on supprime la religion, on jette l’humanité dans le désespoir. »
Il ya aussi ce texte admirable de Karl Marx dans Critique de la philosophie du droit de Hegel – texte que je conserve comme un trésor dans un coin de ma mémoire :
« La misère religieuse est tout à la fois l’expression de la misère réelle et la protestation contre la misère réelle. » Et encore, ce passage sublime, au sens étymologique du terme : « La religion est le soupir de la créature accablée, l’âme d’un monde sans cœur, de même qu’elle est l’esprit d’un état de choses où il n’est point d’esprit. »
J’invite ceux qui me liront à méditer sur l’actualité de cette pensée, souvent caricaturée car on croit la résumer dans la formule banalisée selon laquelle la religion serait « l’opium du peuple ».
Le pourquoi et le comment de cette série sur la laïcité :
laïcité/ propos de députés ( 2004 ) : le pourquoi et le comment
une vue d’ensemble :
laïcité : paroles échappées du texte ( Assemblée nationale / 2004 )
lire aussi :
« Le temps s’en va … » En hommage à Georges HAGE