Où le lecteur est amené à se demander pourquoi, le plus souvent, il obéit à une loi qu’il juge imparfaite et que (pour certains du moins) il n’a pas voulu : c’est, lui sera-t-il répondu dans un premier temps, parce que « la loi, c’est la loi ! » .
LE PARLOIR DE LA NATION [Errance 7]
Les paradoxes de la loi … « La loi, c’est la loi ! » …55
La « peur du gendarme » …56
[résumé]
Les paradoxes de la loi
« Nous sommes ici pour faire la loi, et la faire le mieux possible.» […]
Malgré (à moins que ce ne soit « à cause de ») cette ambition, le jugement qu’il porte sur son œuvre – la loi – se situe aux antipodes de la « belle ouvrage » et de la « pureté de cristal » à laquelle il lui arrive de rêver. Il faut avoir entendu les députés parler d’ « incontinence législative et réglementaire » … de textes « fourre-tout », ( «Une vache n’y retrouverait pas son veau. »)
Diantre ! Ne serait-il pas un peu schizophrène, notre député ? Pas plus que nous, somme toute, car nous mettons tant d’espoirs dans la loi. […] Et souvent, quand, prenant connaissance du texte même de la loi – des avantages qu’elle nous apporte, mais aussi des contraintes et menaces qu’elle fait porter sur nos têtes fragiles et parfois défaillantes – nous connaissons une déception, un désenchantement, à la mesure de nos espoirs.
Si paradoxe il y a, ce dernier nous montre à quel point la loi est une œuvre – une aventure – humaine. Et, parce qu’elle est humaine, la loi est forcément – nécessairement – imparfaite.
Mais alors, pourquoi obéissons-nous à cette loi que nous savons imparfaite ? Ou, en d’autres termes, qu’est-ce qui donne FORCE à la loi (« Force doit rester à la loi ») ?
« La loi, c’est la loi ! »
La première réponse qui vient à l’esprit – que M. de la Palisse me le pardonne ! – c’est, tout simplement, parce que « la loi, c’est la loi ! » … « « Dura lex, sed lex « » … « » La loi est dure, mais c’est la loi. » » !
La loi n’est pas une simple ( ?) « boîte à outils » ; c’est un véritable « arsenal ». […]
Toutes lois confondues, cet « arsenal » comprend :
– la définition des «infractions» : […]
– les « sanctions », qui punissent les auteurs de ces infractions : […]
– les dispositifs de « contrôle », qui permettent de savoir si tel ou tel est en infraction :
[…]
– sans oublier l’« impôt » et autres « cotisations », « contributions », « prélèvements », qui viennent ponctionner le revenu du TIERS et que les députés – ceux de droite principalement – appellent des « charges »….
Autant de contraintes sur TIERS – « j’en passe et des meilleures… » dira un député ! – qui, telles l’épée de Damoclès, demeurent suspendues au-dessus de la tête du TIERS. Ne nous y trompons pas, l’« arsenal juridique » ne vise pas que les « délinquants » ou les « criminels » – sauf à considérer que chacun de nous est un délinquant ou un criminel en puissance ! Chaque citoyen est soumis à l’«autorité de la loi» ; il ne doit pas faire ce qui est interdit par la loi ; il doit faire ce que la loi a rendu obligatoire : respecter les « procédures », adapter ses pratiques professionnelles et domestiques aux exigences de la loi ; éviter tout ce qui porte atteinte à la liberté et/ou à la propriété d’autrui.
Et il le fait.
[…]
La « peur du gendarme »
La « peur du gendarme » serait-alors le moteur premier – exclusif – de la soumission à la loi ?
« Près de soixante articles pour faire changer la peur de camp », dira une députée en présentant le texte de janvier 2003 relatif à la sécurité intérieure: […]
D’autres ajouteront : « Il faut défendre sans complexe l’ordre républicain fondé sur la loi. » … « Je vous remercie, monsieur le ministre, pour l’ordre public et le respect de l’autorité de l’État. »
C’est ainsi que, citoyens, nous apparaissons comme les hommes-liges d’un «État de droit » qui nous impose son « autorité », son « ordre » – « ordre public » ou « ordre républicain », c’est selon, mais cela ne change rien à l’effet que produit sur nous cette accumulation d’archétypes qui enfouissent, compriment, écrasent nos désirs. D’autant plus que ce ne sont pas là des mots « fétiches » qui, à eux seuls, feraient naître la peur. « Derrière » ces mots, il y a la « force publique », avec ses cohortes de juges, de policiers, de gendarmes, de gardiens de prison et même, pour les cas désespérés, de militaires. Et c’est, incontestablement, cette « force publique » qui donne FORCE à la loi.
Seulement attention ! – et nous sommes là en face des limites de ce type d’explication – « on ne joue pas avec la loi. ». L’« effet dissuasif » de la loi doit être manié avec précaution ; il ne s’agit pas de « prendre une masse pour enfoncer tout simplement une punaise » ou (variante) de « prendre un marteau-pilon pour écraser une mouche ». En d’autres termes, il ne s’agit pas d’« instrumentaliser » la loi.
Si la loi n’avait pour fondement que la « peur du gendarme », ferions-nous l’effort d’aller voter pour élire ceux qui, au-dessus de nos têtes, vont manier – à leur guise – le glaive et la foudre.
Cela me rappelle une histoire que l’on racontait dans ma Vendée natale[1]. Un curé, du haut de la chaire, admonestait avec virulence ses paroissiens. Chaque fois qu’il faisait allusion à un péché, les paroissiens apeurés entendaient gronder le tonnerre tandis que des flammes semblaient tomber du ciel. Mais la liste des péchés était longue … et l’on finit par entendre le sacristain qui, du haut du toit de l’église, demande au pasteur ce qu’il doit faire : « Monsieur le curé, il n’y a plus de feu dans le chaudron ; faut-il envoyer la marmite ? » !!!
[1] L’histoire est empruntée à un fonds d’histoires mettant en scène le « curé des Habites ». (« Les Habites » sont un tout petit hameau, où il n’est pas sûr qu’il y ait eu, un jour, un curé !)
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