09/la loi : expression de la « volonté générale » ?


Où il sera dit que nous obéissons à la loi parce que, bien qu’absents au débat, nous sommes parties prenantes à ladite loi.

LE PARLOIR DE LA NATION  / Errance 9

La loi …  expression de la « volonté générale » …65
La loi du nombre (« La majorité décide ! ») …67
Illustration et défense du rôle de l’opposition …70

[résumé]

La loi …  expression de la « volonté générale »

La mise en œuvre de la loi ne saurait reposer uniquement sur la peur. La loi n’est pas un chaudron rempli de feu et de foudre. Le député n’est pas ce sacristain missionné pour nous faire courber sous le joug de la peur.  La loi n’est pas un deus ex machina  suspendu au-dessus de nos têtes éplorées. Ni dieu, ni machine, la loi n’est pas si extérieure à nous qu’on voudrait bien le dire : nous sommes parties prenantes à la loi. Et c’est là une raison de plus – la raison décisive, sans doute – pour laquelle nous obéissons à la loi.
[…]
Je ne parle pas d’une présence physique mais de ce quelque chose de mystérieux qui fait que, bien qu’absents au débat, nous – « TIERS-absent » – nous y sommes présents. Ce quelque chose qui fait que la loi est la loi pour tous, puisqu’elle est la loi de tous et que tous sont représentés dans l’enceinte – et dans le temps – où se dit, se fait la loi. […]

La loi est la mise en œuvre de la « souveraineté nationale » ; elle est l’expression de la « volonté générale ». […]
C’est par le vote que se forme la « volonté générale » (« Une fois votée, ce sera une loi de la République. ») C’est le vote qui donne FORCE à la loi. […]

Ce qui sera voté sera la loi. Laquelle loi sera obligatoire et contraignante. Mais ce sera une loi voulue, puisque c’est «  en mon nom » que le député l’a votée.

Il faut bien voir qu’au moment du vote de la loi, s’opère un basculement imparable. Il y a l’avant et l’après vote. Ce qui, avant, était une solution technique – parmi d’autres – va, après, se trouver paré des attributs souverains de la loi et, par là-même entraîner, à tout le moins, notre soumission, à défaut de notre adhésion. La loi, une fois votée, apparaît comme une parole figée, définitive, irrévocable, incontournable – désespérément vraie !

Si, l’on admet, comme le dit Pierre Legendre, que « la loi dépossède quiconque du droit d’avoir quelque chose à dire »  , on comprend mieux cette accumulation, cette abondance de paroles diverses et variées qui caractérise le débat d’Assemblée :  il faut dire – il faut tout dire – tant qu’il y a encore quelque chose à dire, tant qu’il y a encore la possibilité de dire. « Après », il n’y aura plus qu’à exécuter.

[…]

La FORCE de la loi relève d’un argument de nécessité autant – sinon plus – que d’un argument d’autorité. Une nécessité qui ne résulte pas d’une quelconque vérité pré-établie […]  mais qui résulte d’un rapport de forces dont la délibération est à la fois l’instrument et le révélateur.

La loi du nombre
(« La majorité décide ! »)

Seulement voilà […],le « rapport de force » dont il est question, c’est la règle de la majorité ; c’est la « loi du nombre ».

Si l’on s’en tient à l’aspect matériel , le vote, c’est d’abord une histoire de bulletins, d’enveloppes, d’isoloir, d’urne ( « C’était un dimanche … ») ; puis, c’est une histoire de comptes, de décomptes ( et que je compte … et que tu recomptes ) ;  bref le vote, c’est une banale histoire de mathématiques !

[…]

C’est la  majorité qui « fait la loi ».[…]

Mais, quand l’orateur de l’opposition – qui vient d’expliquer pourquoi il ne votera pas la confiance au Gouvernement – s’entend dire : « Ce n’est pas grave ! » / « Nous n’en avons pas besoin !»  …  quand  un autre député de l’opposition – pourtant, lui aussi, « porteur d’une part  de la souveraineté nationale »  s’entend dire  à son tour : « Non, vous ne faites pas la loi ! » … alors, bonjour la démocratie !

Et pourtant … « C’est cela la démocratie  » !

[…]

Illustration et défense du rôle de l’opposition

Face à ce paradoxe, en vertu duquel c’est le nombre qui fait la loi, il est une autre façon de continuer à avancer sur les sentes escarpées de la démocratie. Je dirai : pour que FORCE soit reconnue à la loi – par tous – il faut impliquer l’opposition dans le processus de formation de la volonté générale.

[…]

La FORCE de la loi ne saurait venir uniquement du vote. Pour que chacun se reconnaisse dans la loi, il faut qu’il y ait un véritable débat. Pour que celui qui n’a pas souhaité la loi – cette loi, telle qu’elle va être votée – accepte quand même de s’y soumettre, il faut  que ladite loi soit  discutée, mise en pièce ; il faut  que l’on ait pesé le pour et le contre,  que l’on se soit interrogé pour savoir s’il existe ou non d’autres alternatives.

[…]

L’opposition est là pour faire entendre la « voix » de ceux qui avaient choisi une autre « voie », une autre loi. Même si, parfois, il lui faut recourir à des méthodes qui, au premier abord, peuvent paraître dénuées de toute rationalité, de toute efficience. La violence qui se manifeste dans certains débats – entre autres, sous forme d’« obstruction » – répond à cette violence fondatrice du contrat citoyen : la loi du nombre, qui fait que d’aucuns ( eux aussi, ils sont en « nombre » … mais moins que les autres !) sont obligés d’appliquer – de subir – une loi dont ils n’acceptent ni les fondements ni les modalités.

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