Où l’on s’interrogera sur sur ce qui fait l’« esprit » de la loi et où le lecteur va se rendre compte qu’il y a dans la loi – et dans le débat – quelque chose qui dépasse le rationnel.
LE PARLOIR DE LA NATION / Errance 14
L’esprit de la loi (« Esprit, es-tu là ? ») …107
Les référents symboliques du débat (magie/ légendes/ univers religieux/ mythes) …108
Il y a dans le débat quelque chose qui dépasse le débat …111
[résumé]
L’ « esprit » de la loi
Ces affrontements, qui portent sur le fondement même de la loi -sur son SENS-, me font penser à un sketch de Raymond Devos [1] , dans lequel un automobiliste, embarqué sur un rond-point, ne parvient plus à trouver le « bon sens » – celui qui lui permettra de sortir du cercle giratoire et de prendre la direction qu’il avait souhaité prendre en y entrant ; il ne trouve devant lui que des « sens uniques » ou des « sens interdits » … d’ailleurs, cela revient au même, puisque, dans les deux cas, il est obligé de continuer à « tourner en rond » .
Mais attention ! nous n’en sommes pas pour autant au bout de nos peines ( je dirais plutôt de nos surprises ), puisque nous allons nous retrouver dans un univers hors-norme, un imaginaire extrêmement varié et intriguant.
Cela va commencer par une séance de spiritisme ( avec des « esprits » que l’on invoque … et des tables qui tournent ) et se terminer par une danse sacrée ( avec totems et évocations diverses … ) !
Bien sûr – me direz-vous -, ce sont là boutades, saillies, esclandres destinées à « animer » le débat, à faire (sou)rire les collègues et raviver la flamme du nécessaire vivre-ensemble ( pourquoi faudrait-il que l’Assemblée fût triste ? ). Mais, imaginons un instant que, cachée « derrière » ces mots d’humour ( « Derrière les mots, savez-vous quoi qu’il y a ? » ), il y ait quelque vérité profonde qui soit enfouie. Imaginons que ce soit là un autre moyen de dire – un moyen de dire autre chose. De dire des choses que d’autres mots, plus « rationnels » – plus « porteurs » a priori – ( je dirai – au hasard ? – « liberté », « égalité », « fraternité »!) ne sauraient nous dire.
Les référents symboliques du débat
D’ailleurs, quelle ne fut pas ma surprise, en parcourant les longues et denses pages du Compte rendu intégral, de trouver bien d’autres « invocations », d’autres « évocations ».
Tour à tour, les députés empruntent …
… à l’univers de la magie, de la sorcellerie, de la voyance, de l’alchimie
… au monde des légendes …
… à l’univers religieux (du monde judéo-chrétien) …
… aux mythes (avec leur cortège de héros malheureux)…
… Cassandre … Damoclés… les Danaïdes… Icare … Janus… Œdipe… Pandore … Pénélope … Prométhée… Sisyphe …
Il y a dans le débat quelque chose qui dépasse le débat.
Manifestement, il y a dans le débat – en débat – quelque chose d’« irréel », de « virtuel », de « mythique » … quelque chose d’ «imaginaire », d’ « irrationnel » , de «magique », de « merveilleux» … quelque chose de «poétique » (qui apporte « un peu comme un supplément d’âme » ) … quelque chose de « symbolique » .. quelque chose d’« emblématique » … quelque chose de « sacré », de « mystérieux » (« La politique a parfois des mystères que la raison ignore. »)
Comme si le député tentait – consciemment ou non, là n’est pas la question (puisque, de toute façon, « les mots savent de nous des choses que nous ne savons pas d’eux » !) – de nous faire pressentir que les débats ne se résument pas à des affrontements d’idéologies, de programmes, de stratégies, de procédures ni à la recherche du plus petit dénominateur commun. Il se passe dans le débat – il s’y dit – autre chose.
Comme si parler des 35 heures, de la santé publique ou du financement des retraites … ou de la « Sécu » n’épuisait pas le sujet.
« La Sécu », cette « bonne fée », ce « système merveilleux et unique au monde »,[…] Nous touchons ici, j’ose le dire, au sacré. »
Comme si, parlant de ces problèmes concrets, le député parlait en même temps d’autre chose.
Comme s’il y avait un je-ne-sais-quoi, un ailleurs, un au-delà du débat … quelque chose d’« ir-réel », d’« ir-rationnel »de « sur-naturel », en tout cas, quelque chose qui dépasserait et le « naturel » et le « rationnel», qui dépasserait même la « volonté » de ceux qui font, qui disent la loi – et pourtant qui fasse « SENS ».
[1] « Le plaisir des sens » in DEVOS, « Matière à rire. L’intégrale », Olivier Orban, 1991
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