17/faire du LIEN … c’est « LA » question de la démocratie


Où il sera expliqué que le LIEN n’est pas seulement mis « en » question ( par des événements  tels que le « 21 avril »)… mais qu’il faut le considérer comme étant « la » question de la démocratie : comment faire de l’Un avec du multiple et du divers ?

LE PARLOIR DE LA NATION / Errance 17

Le leitmotiv du « sauvetage » (du lien social) …133 Le syndrome du « 21 avril »  …135 « élections, piège à cons  » ? …136
Comment faire de l’UN avec du multiple et du divers ? (le paradoxe du LIEN) … 137

[résumé]

Le « sauvetage » du lien social

Le leitmotiv du LIEN fonctionne à deux temps.

Premier temps. C’est le temps de l’exaltation, de la célébration rituelle du « tous ensemble ». […]

Deuxième temps : celui de la lamentation, de la difficulté  à « être esemble ». C’est  une sorte de complainte – quasi permanente – qui, tel le « blues », met en musique (en mots) la nostalgie d’un paradis perdu et/ou inaccessible. […]

« Ce soir, il faut sauver l’APA[1]. Et c’est urgent ! » « Si nous somme réunis dans cet hémicycle c’est pour sauver le régime des retraites. »

Et la mélopée de se clore sur « appel au sauvetage »  du « lien social ».  […]

Le syndrome du « 21 avril »

C’est avec l’évocation du « 21 avril » [2] que le chant de la désespérance va atteindre son paroxysme.

« Le  21 avril  incarne la défaite d’une certaine idée de la France, l’épuisement d’un système et d’une configuration politique, la fin d’un cycle et, au fond, la révélation du délitement avancé de notre lien social.».

[…]

«  Explosion » … « cataclysme » …  il n’est pas de terme assez fort pour traduire le « choc du 21 avril ». Comme si l’on voulait exorciser le mal. Le circonscrire. En faire un évènement extraordinaire, exceptionnel, atypique. Hors du commun et du fonctionnement normal de la démocratie.

Pour ma part, je dirai le « 21 avril » comme un révélateur, un avertisseur, un témoin. Pas seulement de l’état actuel de notre démocratie, de ses insuffisances. Mais de la nature même de la démocratie, de ses contradictions, de ses paradoxes.

« élections, piège à cons  » ?

La « perte de LIEN » mise en évidence – mise en scène – dans /par le discours des députés – nous renvoie à cet acte fondateur qu’est le vote et, plus précisément, à l’« atomisation » des volontés que le vote exprime et tente de dépasser.

 « élections, piège à cons ! » écrivait Sartre dans un fameux article des Temps modernes [3]. Pendant longtemps, j’ai considéré – sans m’être donné la peine d’aller lire l’article lui-même ! – que cette expression faisait référence à l’équation suivante : « élections dans un pays dominé par la bourgeoisie » = « élections de la fraction de ladite bourgeoisie qui sera amenée à faire la loi et, par là-même, à nous dicter ce qu’il convient de faire ». Mais, une fois que je me suis référé au texte même de l’article, j’ai du réviser mon point de vue.

Ce que nous dit Sartre, dans cet article, c’est que le vote – tel qu’il est mis en œuvre dans nos sociétés contemporaines – nous réduit à l’état d’ « atomes ». Parce qu’il est un acte singulier, individuel, individualiste, individualisant même. Tout en nous instituant citoyen – donc solidaire des autres citoyens – le vote nous arrache à nos ancrages et à nos liens préexistant. C’est en ce sens qu’il est un « piège à cons ».

Ce type de vote exprime, avant tout, des intérêts privés, lesquels ne manquent pas d’entrer en conflit avec d’autres intérêts privés. Il juxtapose des volontés émiettées, incertaines, instables. Si donc l’on admet que l’acte fondateur de la démocratie est un acte d’ individuation civique, alors, il ne faut pas s’étonner que cet acte engendre – ou plutôt révèle – une segmentation, une fragmentation de l’espace public. C’est en partant de ce constat  – et non en le niant  ou en le noyant sous des propos iréniques, idéalistes, démagogiques et, en fin de compte, mystificateurs – que l’on peut envisager de construire l’édifice civique collectif. Le « vivre ensemble »n’est pas une donnée de départ. Il est à construire. Et il se construit à partir de – en se différenciant de – ces unités individuelles et de ces groupes partiels qui ne peuvent qu’entrer en conflit les uns avec les autres ( les chasseurs contre les autres utilisateurs de la nature, les bouilleurs de cru contre les défenseurs de la santé publique, les salariés contre les patrons, les consommateurs contre les firmes, etc.)

Le paradoxe du LIEN

Avec le « 21 avril », le LIEN nous est apparu mis à mal, mis « en » question. À mon sens, il faut aller plus loin dans l’analyse et considérer le LIEN comme une question – comme « la » question de la démocratie.

Comment passer du lien « atomisé » – qui se forme dans l’isoloir – à un lien « civique », « collectif », « commun » ? […]

Comment faire de l’« UN » avec du « multiple » et du « divers » ?

[…]

Venir à bout de l’émiettement ( de l’anarchie ? ) des désirs, faire exister une sorte de collectif individué ou d’individu collectif – qui respecte, valorise,  le potentiel de chaque individu tout en l’intégrant dans un « ensemble », tout en lui permettant de découvrir la richesse du « vivre ensemble ». Conduire l’ensemble des citoyens « au même but », les rattacher à « la même idée », les amener à vivre « du même cœur » :  telle est, ce que Hugo appelle  la « grande œuvre » à laquelle doivent s’attacher – s’attaquer – ceux que nous avons élus pour nous représenter.

« «  Mettez à fin à cette grande œuvre de l’organisation fraternelle de tous les peuples, conduits au même but, rattachés à la même idée, et vivant du même cœur. » [HUGO]

[1] Allocation Personnalisée d’Autonomie.

[2] Errance 12.

[3] « Élections, piège à cons » in Les temps modernes, n°318, janvier 1973].

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