Débat sur la sécurité ( 2003 )
Lagarde :
Amendement N° 215 /
commerces
« – M. le président. M. Lagarde et M. Perruchot ont présenté un amendement, n° 215
[…]
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
M. Jean-Christophe Lagarde. […] Nous souhaiterions pouvoir étendre les délits que nous créons à deux autres catégories d’immeubles : les commerces, qui connaissent eux aussi, à leurs abords, des troubles à l’ordre public et des délits d’entrave perturbant considérablement la vie de certains quartiers, et les bâtiments publics.
[…]
Le problème auquel nous sommes confrontés, qui est, bien sûr, très grave quand il s’agit des halls d’immeuble, l’est également dans le cas de bâtiments publics destinés à faire rayonner le service public et à permettre une meilleure intégration sociale, ou de commerces, parce qu’un commerçant a légitimement le droit d’attendre de la force publique qu’elle garantisse le libre accès à son commerce.
M. André Chassaigne. C’est le retour de l’ordre moral ! C’est lamentable !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Estrosi, rapporteur. […] Il s’agit pour nous, d’abord, de faire respecter le droit d’aller et venir dans les lieux privés et d’habitation, et cette extension aux bâtiments publics et aux commerces a été repoussée par la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le ministre. Hélas, monsieur Lagarde, le Gouvernement partage l’avis du rapporteur, pour une raison simple. D’abord, nous avons voulu cibler très précisément le problème des halls d’immeuble, qui touche à la vie quotidienne.
Les bâtiments publics et les centres commerciaux, que vous évoquez, sont, par construction, des lieux ouverts au public. Or – je vous mets en garde -, dans les lieux ouverts au public, la liberté de réunion ne peut être encadrée que dans des conditions très strictes, notamment pour ce qui est de la répression des attroupements menaçants sur la voie publique et leur dispersion par la force publique. […] Juridiquement, cela pose des problèmes, et politiquement,…
M. André Gerin. C’est mauvais !
M. le ministre. … ce serait interprété comme une interdiction faite aux jeunes de se rassembler. Ce n’est pas, j’imagine, ce que voulez, monsieur Lagarde.
M. Jean-Christophe Lagarde. Pas du tout !
M. le ministre. […] J’ai bien entendu votre explication. Il est vrai que, eu égard aux accusations qui nous ont été lancées à propos de l’amendement sur les halls d’immeuble – qui, je l’ai dit, me paraît l’un des plus importants pour la vie quotidienne des Français -, il vaut mieux ne pas prêter le flanc à d’autres attaques, et ne pas compromettre l’équilibre juridique que nous avons trouvé, même s’il n’est pas parfait.
M. le président. L’amendement n° 215 est retiré. Mme Billard n’a donc pas lieu de s’exprimer contre.
Mme Martine Billard. Quel dommage ! »
Lagarde :
Amendement n° 505 /
toits d’immeuble
M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde pour soutenir l’amendement n° 505
M. Jean-Christophe Lagarde. […] Régulièrement, des individus se regroupent sur les toits des immeubles, notamment la nuit, car ce sont des endroits bien plus tranquilles que les halls, puisque personne ne s’y rend et que l’accès ne peut pas en être interdit pour des raisons de sécurité : c’est une voie d’évacuation en cas d’incendie. Toutefois, il en résulte que, bien souvent, les dispositifs de sécurité permettant l’évacuation sont détériorés.
Cette situation a trois conséquences.
Premièrement, ceux qui habitent juste sous le toit d’un immeuble ont droit toute la nuit soit aux galopades, soit aux beuveries, soit à autre chose au-dessus de leur tête. […]
Deuxième conséquence : les toits des immeubles sont utilisés pour faire le guet et avertir les délinquants sévissant dans les cités de l’arrivée d’un véhicule de police. Des gamins sont payés pour cela.
Troisième conséquence : c’est de ces toits que sont lancés des projectiles sur les forces de l’ordre ou sur les pompiers qui sont appelés à intervenir dans le secteur.
Nous proposons, par cet amendement, que les voies de fait ou la menace de commettre des violences contre une personne, ou l’entrave apportée délibérément au bon fonctionnement des dispositifs de sûreté et de sécurité, lorsqu’elles sont commises sur les toits des immeubles collectifs d’habitation, soient sanctionnées. […]
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Estrosi, rapporteur. Tout ce que décrit M. Lagarde reflète la réalité. Cet amendement est parfaitement conforme à l’esprit du texte. Sachant l’usage qui est fait de certains toits, je suis favorable à son adoption.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le ministre. Favorable également.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 505.
(L’amendement est adopté.)
Fromion :
Amendement n° 505 /
gardes assermentés
M. le président. La parole est à M. Yves Fromion . pour soutenir l’amendement n°460 rectifié
M. Yves Fromion. Je vais tenter de rejoindre le ministre et le rapporteur sur le terrain du pragmatisme et de l’efficacité.
Toute la soirée, nous avons évoqué les difficultés que connaissent les grands ensembles immobiliers, notamment sociaux, du fait du comportement de quelques individus – vous pouvez constater que je ne stigmatise personne. On a parlé des nuisances sonores, de l’occupation des espaces communs, des menaces verbales, des dégradations, des atteintes aux règles d’hygiène, mais on aurait pu aussi parler des détournements d’usage des parkings, voire des espaces verts, autant d’actes qui constituent des infractions aux règlements intérieurs.
[…]
Mon amendement vise à trouver une solution pragmatique à cette situation en permettant aux bailleurs, notamment aux bailleurs sociaux, de recruter des gardes particuliers assermentés, ainsi que l’autorise l’article 29 du code de procédure pénale. Ces gardes seraient chargés de constater par procès-verbal les délits ou les contraventions aux dispositions du règlement intérieur de l’immeuble dont ils sont témoins, et de saisir ensuite le procureur de la République selon les voies légales prévues par le code de procédure pénale.
M. Jean-Marie Aubron. Vous devriez aussi construire des miradors !
[…]
M. Christian Estrosi, rapporteur. Cet amendement n’a pas été examiné par la commission.
Cela étant, dès lors qu’il s’agit de gardes assermentés, à titre personnel, j’y suis plutôt favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le ministre. Je m’apprêtais à m’en remettre à la sagesse de l’Assemblée, parce que j’ai envie de faire plaisir à M. Fromion, mais je crains que le terme de « gardes particuliers assermentés » ne crée une confusion. […] Il y a déjà les policiers nationaux, les gendarmes, les policiers municipaux…
M. Bruno Le Roux. Bref, vous êtes contre l’amendement, monsieur le ministre !
M. le ministre. Je suis plutôt réservé, mais si vous voulez me pousser à dire que je suis contre, monsieur Le Roux, je risque d’avoir envie de dire que je suis pour, afin de ne pas vous faire de cadeau. […]
Je préférerais, monsieur Fromion, que le texte de cet amendement soit retravaillé et réexaminé demain, car je ne suis pas très enthousiaste.
[…]
M. Yves Fromion.. L’objet de mon amendement est donc que quelqu’un puisse être sur place rapidement pour constater l’infraction au moment où elle est commise et où les locataires la subissent.
M. Bruno Le Roux. Cet amendement est dangereux, il faut le retirer ! Vous allez créer des milices !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. le ministre. Je comprends très bien votre souci, monsieur Fromion, mais je ne veux pas qu’on dise que je favoriserais la création de milices. […]
Ce qui me chiffonne un peu, ce n’est pas l’idée que vous avez, monsieur Fromion, mais le fait que, dans certains cas, on puisse autoriser des gardes privés à constater un délit.
M. André Gerin. C’est mauvais !
M. le ministre. Cela ne me choque pas s’ils sont assermentés. Ce qui me gêne, c’est l’idée qu’ayant recours à des gardes privés qui feront le même travail de constatation que des policiers municipaux, on admette une certaine défaillance de État républicain, un certain manque d’efficacité de la police et de la gendarmerie.
M. Bruno Le Roux. C’est cela même !
M. Michel Pajon. On n’osait pas le dire !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Pascal Clément, président de la commission. Je viens de découvrir, monsieur Fromion, que votre amendement est totalement inutile. En effet, aux termes de l’article 29 du code de procédure pénale, « les gardes particuliers assermentés constatent par procès-verbaux tout délit et contravention portant atteinte aux propriétés dont ils ont la garde ». Vous avez donc déjà satisfaction et votre amendement est superfétatoire. Restons-en là et évitons une ambiguïté qui pourrait gâcher tout le travail que nous faisons ce soir, voire troubler les esprits.
M. le président. La parole est à M. Yves Fromion.
M. Yves Fromion. […] Monsieur le ministre, vous m’avez proposé que cet amendement soit retravaillé.
M. le ministre. Pour demain !
M. Yves Fromion. Je m’en réjouis. En tout état de cause, pour l’heure, je le retire.
M. le président. L’amendement n° 460 rectifié est retiré.
Ce qui fait que, pour la deuxième fois de la soirée, Mme Billard ne va pas pouvoir s’exprimer contre un amendement. (Sourires.)
Je mets aux voix l’article 21, modifié par les amendements adoptés.
(L’article 21, ainsi modifié, est adopté.)
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.